C’était il y a longtemps. L’hiver s’était endormi sur la terre. Et il dormait si bien qu’il était encore là au mois de mars, recouvrant la terre de neige, gelant les rivières et les étangs, bouchant le ciel de gros nuages gris.
— Il aurait dû partir depuis longtemps, disaient les enfants du village en reniflant.
Car, eux, ils se gelaient le bout des pieds, le bout des doigts, le bout du nez.
— Mais comment faire pour le réveiller ? demanda un petit garçon aux oreilles toutes rouges.
Ils réfléchirent longtemps, tous ensemble, en sautant pour se réchauffer.
— Je crois que j’ai trouvé ! s’écria tout à coup une petite fille au petit nez froncé. On va organiser une grande fête, dehors, avec des tapis, des coussins…
— Quoi ?
— Une grande fête ?…
— Dehors ?…
— Avec des coussins ?…
Les enfants du village la regardaient, étonnés.
— Mais on fera un grand feu, leur promit la petite fille. Allez, venez ! Il faut tout préparer…
Alors, ils lancèrent sur la neige de grandes nappes blanches, de jolis tapis multicolores, de gros coussins de couleurs vives. Aux arbres, ils accrochèrent des lampes, des lampions, des guirlandes et des bouquets de fleurs en papier.
Pendant ce temps, le feu ronflait et pétillait au beau milieu du jardin.
Puis, pendant qu’ils disposaient sur les nappes toutes sortes de friandises, des bonbons au sucre candi, des gâteaux et des marrons glacés, de délicieuses liqueurs aux fruits, la petite fille leur cria :
— Attendez-moi ici !
Ils se regardèrent tous, un peu inquiets, en reniflant un peu plus fort. Quand la petite fille revint enfin, elle tenait entre ses bras des tambours, des trompettes, des flûtes, des violons, et même un accordéon. Tous se mirent à en jouer, très fort, un peu faux peut-être, tout en chantant ce petit refrain-là :
Monsieur l’hiver, allez-vous-en.
C’est la fête des enfants,
Laissez-les danser maintenant !
Alors, l’hiver se réveilla à moitié. Et comme il n’était pas très content, il leur répondit en leur soufflant un méchant coup de vent :
— Laissez-moi dormir tranquille !
Mais les enfants jouèrent encore plus fort, peut-être un peu plus faux, tout en chantant :
Monsieur l’hiver, allez-vous-en !
Vous êtes resté bien longtemps,
Laissez donc la place au printemps !