Rémi est malade et, afin de l’aider à passer son temps, Grand-père vient chaque jour lui raconter une histoire…
Il était une fois deux escargots, qui vivaient dans un taillis, à l’ombre d’une petite route. Un endroit fait pour eux. Ils passaient leur temps à se promener de-ci de-là, mangeant toutes sortes de verdure, heureux de vivre.
Un beau jour pourtant, arriva une grenouille, en bondissant comme le font les grenouilles ; elle voulait profiter un peu de l’ombre, et puis aussi bavarder avec les deux escargots.
« Bonjour, les amis ! La vie est belle ?
— La vie est belle, oui. On ne peut pas se plaindre, répondirent les escargots.
— Vous n’êtes pas dérangés par le bruit de cette route ? Moi, je ne pourrais pas vivre ici, avec tout ce passage. »
La grenouille se mit à parler de sa vie à elle, de l’autre côté de la route, dans le silence et l’humidité. « Vous savez, quand on traverse la route, on arrive à une sorte de talus où se trouvent deux grandes barres de fer. Il faut les escalader, continuer dans le sens de la pente, et on arrive à une mare de toute beauté, entourée de roseaux. En plus, à côté, il y a une charmante petite forêt. Vous voyez, c’est cent fois plus beau qu’ici et, surtout, c’est beaucoup plus calme, beaucoup plus reposant.
— C’est bien possible, admit un des escargots. Mais pourquoi partir, alors que nous nous plaisons ici ?
— Comme vous voulez, dit la grenouille. En tout cas, ça me ferait plaisir que vous veniez me voir un jour. Mais vous avez le temps de réfléchir. »
La grenouille, sur ces derniers mots, s’en alla en bondissant comme le font les grenouilles.
Le lendemain, un des escargots ne put s’empêcher de dire à son compagnon :
« Tu sais, je repense à ce que la grenouille nous a dit, à propos de cette jolie mare. Peut-être qu’au fond ce serait vraiment mieux d’aller là-bas…
— Et pourquoi donc ? répondit l’autre escargot. Moi, je me plais ici. Le bruit ne me gêne pas.
— D’accord, mais ça ne serait pas mal de voir au moins une fois à quoi ça ressemble, et voir si la grenouille a dit vrai. »
L’autre escargot sembla hésiter quelques instants, puis se rangea à l’avis de son compagnon : « Entendu, on y va. Et même tout de suite. »
Les deux escargots se mirent en marche. Deux heures plus tard, ils arrivèrent à la route et entreprirent de la traverser. Parvenus au milieu, ils furent surpris par un énorme camion qui leur passa dessus de tout son poids, de toute sa masse.
Les deux escargots eurent alors la peur de leur vie, surtout celui qui voulait absolument aller voir la mare ; il eut si peur qu’il rentra dans sa coquille et ne voulut plus en sortir.
« Espèce d’idiot, ne reste pas planté là ! lui cria l’autre escargot. Tu vois bien que c’est dangereux, il faut absolument qu’on continue.
— Pas question ! Je n’avancerai plus d’un millimètre. »
Son compagnon essaya de lui expliquer son erreur : « Tu ne comprends vraiment rien. Ici, ta coquille ne te sert à rien ; il suffit qu’un autre de ces mastodontes arrive, et on est cuits ! »
Enfin, après de longues discussions, l’escargot accepta de sortir de sa coquille et se remit en marche. Ils réussirent à traverser la route, mais la peur restait en eux.
« Ah, mais ! pourquoi ne sommes-nous pas restés à la maison ! se lamentait l’escargot effrayé qui s’arrêtait tout le temps dans ses reptations.
— C’est toi qui voulais y aller. C’est ton idée, pas la mienne ! Mais, maintenant que nous sommes en route, retourner serait encore plus insensé. Allez, en avant ! »
Ils finirent par atteindre le talus, où le premier escargot recommença à se plaindre. Le soir, ils arrivèrent au sommet du talus et reconnurent les deux barres de fer décrites par la grenouille. L’escargot – celui qui n’arrêtait pas de se plaindre – s’installa sur une des barres de fer et dit :
« Voilà ! J’ai trouvé cet endroit et je n’en bougerai plus. Quoi qu’il advienne. Je n’avancerai plus d’un dixième de millimètre. Terminé ! J’en ai assez. »
L’autre escargot n’avait plus la force de le sermonner : « Fais ce que tu veux, moi je continue. J’en ai marre de tes jérémiades, ce n’est pas ce qui m’empêchera d’aller jusqu’à la charmante petite forêt. Tu m’y retrouveras demain, si tu en as envie, bien sûr ! »
Et il continua.
L’escargot, sur sa barre de fer, rentra dans sa coquille pour faire une petite sieste. Il ne soupçonnait évidemment pas que les barres de fer en question n’étaient autres que des rails de chemin de fer !
Heureusement pour lui, plus aucun train ne passait sur cette voie ferrée, désaffectée depuis longtemps…
Et toi ? Quel serait ton choix ?
Continuer vers la forêt ou rentrer dans ta coquille ? Pourquoi ?