C’est ma première journée au camp de jour.
Je suis un tout petit peu gênée. Le terrain de jeux est rempli d’enfants. Il y en a partout : sur les balançoires, dans le tunnel, dans la glissoire et sur les échelles.
Je m’approche lentement d’une petite fille. Je m’arrête derrière elle et je lui dis tout bas : « Allô ! Moi, c’est Léanie. Et toi ? »
Elle ne répond pas.
Peut-être que je ne parle pas assez fort.
Je recommence : « Allô ! Moi, c’est Léanie. Et toi ? »
Elle ne bouge même pas.
Je donne des petits coups avec mon doigt sur son épaule. Elle sursaute et me dit d’une drôle de voix :
– Tu m’as fait peur, qu’est-ce qu’il y a ?
– C’est quoi ton nom ?
– Je n’entends pas, me répond-elle.
– Comment tu t’appelles ?
– Elle s’appelle Rosalie ! dit une dame qui s’approche.
– Pourquoi est-ce que Rosalie parle comme ça ?
– Parce que Rosalie n’entend aucun son ni aucun bruit. Moi, je suis Colette, son interprète. Je vais passer l’été à faire des signes avec mes mains pour que Rosalie comprenne bien ce qu’on lui dit.
– Ah ! et pourquoi est-ce que Rosalie n’entend pas ?
– Eh bien, elle est née comme ça et personne ne sait vraiment pourquoi, explique Colette.
– C’est triste pour elle !
– Mais non ! s’exclame Colette. Regarde comme elle sourit, cette Rosalie. Tu aimerais devenir son amie ?
– Oh oui !
– Je vais te montrer comment lui parler.
– Tout d’abord, si tu veux savoir comment elle va, tu mets ton pouce vers le haut, comme ça.
Si elle va bien, elle mettra le sien vers le haut, et si ça ne va pas, elle le mettra vers le bas. Essaie !
Je mets mon pouce vers le haut et dis : « Ça va bien, Rosalie ? »
Elle répond en mettant son pouce vers le haut : « Oui, ça va bien. »
En nous voyant rigoler, les autres enfants s’approchent pour regarder.
Colette annonce : « Après le dîner, je vais vous enseigner avec les mains la comptine du lapin. »
Je mange à côté de Rosalie. Le repas terminé, Colette rassemble tous les enfants et demande : « Êtes-vous prêts ? Allons-y ! Faites comme moi. »
Et Colette se met à faire une série de gestes que j’essaie d’imiter sans me tromper.
P’tit lapin …………………………………………… plein de poils
P’tit lapin …………………………………………… plein de poils
P’tit lapin …………………………………………… plein de poils
partout
Par-devant, par-derrière…………………………………………… Par-dessus, par-dessous
P’tit lapin plein de poils partout.
Tout le monde chante la comptine, même Rosalie !
En plein milieu de nos jeux, maman arrive pour me ramener à la maison.
Je suis fâchée. Je ne veux pas m’en aller.
Je veux rester avec ma nouvelle amie.
Mais maman me dit : « Demain, tu reviendras et tu joueras encore avec ton amie. »
Je salue Rosalie de la main :
– Bye, Rosalie !
– Bye !
Je m’assois dans l’auto et je demande :
– Maman, est-ce que les mains de Rosalie sont comme ma bouche ?
– Oui, ses mains lui servent à communiquer.
– Est-ce que la fée des doigts existe ? Est-ce qu’elle est comme la fée des dents ?
– Mais ma pitchounette, ses doigts ne tomberont pas, ce ne sont pas des dents ! Ne t’en fais pas !
– Ah ! tant mieux !
Ce soir, dans mon lit, je ferme les yeux rapidement.
C’est la première fois que j’ai hâte de faire dodo, car demain, c’est sûr que Rosalie et moi, on s’amusera à rechanter la comptine du lapin.
P’tit lapin plein de poils…