Un pauvre bûcheron travaillait durement pour subvenir aux besoins de sa famille. Chaque jour, il partait dans la forêt couper les branches d’immenses arbres, les taillant ensuite en bûches qu’il revendait au marché.
Un jour, en longeant une rivière, il fit tomber par mégarde sa vieille hache dans l’eau. Il eut beau la chercher, plongeant dans le courant rapide et les eaux tumultueuses, il ne put la retrouver. Épuisé, il se lamenta car sans sa hache il ne pouvait plus travailler, et sa famille souffrirait bientôt de la faim.
L’Esprit de la rivière entendit les plaintes du pauvre homme et eut pitié de lui.
Il émergea de l’eau, la barbe ruisselante d’écume.
― Ne te désole plus bûcheron, dit-il. Je vais te rapporter ta hache.
Il plongea dans la rivière et en ressortit bientôt muni d’une belle hache d’or.
Le bûcheron secoua la tête :
― Je vous remercie beaucoup de votre aide, mais cette hache d’or n’est pas à moi.
L’Esprit de la rivière replongea dans le courant rapide et cette fois émergea tenant une solide hache en argent massif.
Mais le bûcheron secoua à nouveau la tête :
― Cette hache d’argent ne m’appartient pas. La mienne a un manche en bois et la lame est ébréchée.
L’Esprit de la rivière plongea une troisième fois dans les eaux profondes et remonta enfin avec la vieille hache du bûcheron. L’outil avait le manche poli par l’usure et le fer était rouillé par endroits.
― Merci, merci mille fois, c’est bien avec cette hache-là que je travaille depuis des années, dit-il tout content.
L’Esprit de la rivière apprécia tant l’honnêteté du bûcheron qu’il lui offrit les haches d’or et d’argent.
La bonne fortune du bûcheron fut bientôt connue dans tout le village.
En entendant l’histoire, un autre bûcheron, au lieu de s’en réjouir, devint envieux et décida de tenter, lui aussi, sa chance. Il se rendit au bord de la rivière et y jeta délibérément sa hache. Puis il se mit à appeler à l’aide.
L’Esprit de la rivière ne tarda pas à apparaître et offrit d’aller récupérer l’objet perdu.
Au bout de quelques minutes, il jaillit de l’eau tenant dans sa main une hache d’or étincelante.
― C’est la mienne, c’est la mienne, cria le bûcheron en tendant avidement les mains. C’est la hache que je viens de faire tomber.
L’Esprit de la rivière disparut alors sans dire un mot.
L’homme eut beau appeler et se plaindre, il resta seul au bord de l’eau.
À la nuit tombée, il reprit le chemin de sa maison, les mains vides.