Le jour où Hiroshima et Nagasaki ont brûlé
je voyais la joie et l’insouciance
de l’autre moitié du monde :
les Alliés s’étaient battus et avaient gagné
et enfin la guerre était finie.
Et on avait mis fin à toutes les guerres.
Je pensais à la Bombe
tel un grand feu d’artifice
le premier Jour de l’An,
et tandis que les sols en asphalte s’effondraient
et emportaient avec eux des milliers de gens,
je regardais mes voisines jouer à cache-cache
et j’attendais qu’on m’appelle à table.
Les tournesols scintillaient
et les escargots insouciants traçaient
de petits passages dans le jardin,
tandis qu’au pays du Soleil Levant
des milliers de plantes monstrueuses naissaient
ainsi que des maladies étranges
dont on ne soupçonnait même pas l’existence.
Ici, de belles filles peignaient
leurs longues tresses de cheveux,
alors que, là bas, des milliers de femmes
voyaient partir leurs tresses
et se réveillaient ou mouraient chauves…
Le rideau tomba sur un autre jour
et je regardais avidement le monde,
un monde à jamais disparu
aux yeux de si nombreux petits enfants…
Le mot ‘radioactivité’ n’était pas encore connu.
À dix ans, je savais que tout allait bien :
c’était la fin de la guerre
et les bons triomphaient des pervers.
Tout le monde était heureux,
le défilé de la Victoire enfin prêt.
Mais de l’autre côté de notre automne,
Hiroshima et Nagasaki brûlaient.