Hugo est vraiment très malheureux.
À l’école, on se moque de son bidon
qu’il essaie de cacher sous son pull marron.
« Hugo, t’es nul ! Hugo, t’es nul !
On le voit quand même, ton bidon sous ton pull ! »
À la cantine, Hugo s’empiffre de frites et de mousse au chocolat.
Et tout le monde se fiche de sa bobine :
« Hugo le gros ! Hugo le gros !
Tu seras bientôt aussi rond qu’un tonneau ! »
À la piscine, Hugo remarque les sourires moqueurs.
Lorsqu’il saute dans le bassin et se ratatine,
il éclabousse tous les baigneurs.
« Hugo, t’es le Bibendum Michelin
avec ta bouée autour des reins ! »
À la gym, les mots blagueurs, il les guette
quand il rate ses sauts et ses pirouettes.
« Hugo, t’es bête ! Hugo, t’es bête !
Avec ton gros ventre,
tu t’casses la binette ! »
Mais Sophie aime Hugo comme il est.
Elle lui tient la main bien serrée
parce qu’elle veut le protéger
des autres pendant la récré.
Sophie demande à maman,
qui fait du vélo dans l’appartement :
« Pourquoi se moque-t-on d’Hugo tout le temps ?
Je l’aime avec son petit bidon.
Il est trognon. »
Maman lui répond :
« Il est différent, ma douceur,
et la différence fait parfois peur. »
Sophie n’est pas satisfaite de la réponse de maman.
Alors, elle court dans la cuisine rejoindre son papa cuistot.
« Dis, papa, pourquoi les copains traitent-ils Hugo
de gros baleineau ? Je l’aime tout joufflu de partout.
Il est mon chouchou. »
« Eh bien », lui répond papa, « il ne ressemble pas à tes amis.
Ils le jugent à son apparence rebondie et ne regardent pas
au fond de son cœur comme tu le fais toi, ma petite fleur. »
Sophie comprend un peu mieux
mais elle veut avoir l’avis de son papy, toujours de bon conseil.
« Coucou, papy ! Comment étaient les gens avec toi après ton accident,
lorsqu’ils ont vu que tu n’avais plus qu’un bras ? »
« Eh bien, on n’arrêtait pas de m’observer.
J’étais différent et ça en a effrayé plus d’un, mon petit lapin.
Pour mamie, ça n’a rien changé : elle savait ce que j’avais là, au fond de moi.
Mais pourquoi me demandes-tu tout ça ? »
« Parce que j’aimerais qu’on soit gentil avec mon ami Hugo.
Je l’aime tout potelé et, en plus, il est si rigolo ! »
« J’ai une idée : allons en parler à tes parents là-haut ! »
Quelle excellente idée a eue Papy !
Toute la famille est enthousiaste et Sophie organise bientôt une petite fête.
Elle invite Hugo, bien sûr, et quelques amis.
Maman a fait un beau gâteau au chocolat.
Papa a accroché des ballons roses et lilas.
La fête commence à peine
et déjà on se moque d’Hugo et de sa bedaine.
« Hugo, t’es moche ! Hugo, t’es moche,
avec ta grosse brioche ! »
Sophie tape du pied, elle en a assez !
« Ça suffit ! Arrêtez de vous moquer ! »
Maman propose :
« Et si vous vous amusiez à vous déguiser ?
On a une malle pleine de chapeaux, de costumes,
de perruques, de coiffes avec des plumes ! »
« Oh oui, oh oui ! »
« Moi, je veux être la fée Clochette ! »
« Et moi, Fifi Brindacier avec ses couettes ! »
« Moi, le roi des araignées, Spiderman ! »
« Et moi, la chauve-souris Batman ! »
« Moi, je veux être Zorro ! », dit Hugo.
Tout le monde pouffe de rire.
« Toi, Zorro ? Mais tu délires ! T’es trop gros ! »
Sophie demande à Hugo :
« Pourquoi ne te déguiserais-tu pas en Obélix !
En plus, tu serais le plus fort, fort comme dix ! »
Tous acquiescent ;
certains garçons sont même jaloux !
« Wouah, t’es plus fort que nous ! »
L’après-midi se termine autour du goûter des héros.
Pour Sophie, celui qui est le plus beau, c’est Hugo,
son héros rien qu’à elle, son phénix !
Son Hugobélix !
Hugo s’observe du coin de l’œil dans le miroir.
« Et s’ils n’avaient pas tout à fait tort ? C’est vrai que je suis quand même un peu gros, même pour un héros ! Si j’avais été un peu plus mince, j’aurais pu porter le costume du grand Zorro, mon héros préféré ! », se dit tout bas Hugo.