La balle au bond

 

        On ne s’ennuie pas aujourd’hui dans la prairie !
        Sim, le souriceau, est en train d’y jouer avec ses amis.
        « Vas-y Tonia, la balle roule vers toi ! » crie Corentin, le petit corbeau.
        Comme son amie la taupe ne voit pas bien, il essaie de l’aider un peu. Mais au lieu de courir, Tonia lève le nez et se met à renifler alentour.
        « Qui est là ? demande-t-elle. Je sens quelque chose… »
        Étonnés, ses amis se retournent.
        « Oh non… v’là Rico », soupire Henri, le hérisson.
        « Mince alors ! Encore en train de préparer un mauvais coup… » marmonne Corentin.
        Greta jette un coup d’œil à la silhouette tapie dans le buisson : 
        « L’est pas zentil, Rico », bafouille la petite grenouille.
        « Allons, laissez-le tranquille, dit Sim. Venez plutôt jouer. »

 

 

        Il pose la balle dans l’herbe et tire.
        Malgré sa patte plus courte que l’autre, il vise mieux que personne !
        Beng ! La balle atterrit juste dans le buisson. Rapide comme l’éclair, Rico l’attrape… et déguerpit à toute vitesse.

 

 

        « Eh ! Rends-nous la balle ! » crient les autres. Mais Rico file sans se retourner.
        « Il… il… il ne peut quand même pas faire ça ! » bégaie Sim, tellement choqué qu’il en perd ses mots.
        « Incroyable ! dit Corentin. C’est vraiment méchant ! » Les cinq amis n’en reviennent pas.
        « Attendez, je devrais pouvoir le retrouver… » réfléchit Tonia.
        « Dans ce cas, son compte est bon ! gronde Corentin. Il ne perd rien pour attendre ! »

 

 

        Le nez au sol, Tonia flaire la trace du fuyard tandis que ses amis la suivent à la queue leu leu. Soudain, elle s’arrête au pied d’un arbre.
        « C’est ici qu’il habite, ce Rico de Malheur ! » chuchote la petite taupe.
        « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? » demande Sim.
        « C’est simple, rétorque Corentin : on va exiger qu’il nous rende notre balle, et vite ! »
        Corentin donne quelques grands coups de becs dans la porte.
        « Sors de là immédiatement, et rends-nous notre ballon ! » hurle-t-il.
        « Voooleur ! » coasse Greta. La petite grenouille a beau mal entendre, elle n’en crie pas moins fort pour autant ! Mais rien ne bouge.
        « On dirait qu’il n’y a personne, risque Henri. Il vaudrait peut-être mieux repasser demain ? »

 

        Déçus, ils regagnent la prairie.
        Jusqu’à la tombée de la nuit, ils discutent à bâtons rompus.
        « Ce Rico, quand même, dit Corentin, il est insupportable ! Toujours en train d’embêter le monde et de semer la pagaille quand on joue ! »
        « Et pourquoi ? » questionne Greta.
        « Aucune idée », répond Corentin, toujours aussi furieux.
        « On pourrait peut-être demander au renard de nous aider ? propose Henri. C’est lui le plus costaud de la forêt. »
        « Le renard se moque bien de notre balle, soupire Tonia. Mieux vaut retourner nous-mêmes demain matin. »
        Sim ne dit rien. Il réfléchit.

 

 

        Le lendemain à la première heure, toc, toc, toc. Cette fois, c’est Henri et Tonia qui frappent à la porte de Rico. Sa maman vient leur ouvrir.
        « Bonjour, que se passe-t-il ? »
        « On… euh… on… on pourrait peut-être récupérer notre ballon ? bafouille Henri. Rico nous l’a pris hier après-midi. »
        Aussitôt, Maman Lérot fait demi-tour. Elle a l’air furieuse.
        Les cinq amis l’entendent gronder :
        « RRRICOOO ! »
        Oh là là … Que va-t-il arriver ?

 

 

        Soudain, une petite boule toute colorée roule vers eux du fond du terrier.
        « Oh, notre ballon ! » s’écrie Henri.
        Sans attendre, Sim l’attrape et le serre contre lui.
        « Et maintenant, filons ! dit Corentin. On n’a plus rien à faire ici. »
        Les autres acquiescent. Mais Sim ne bouge pas. Une fois de plus, il réfléchit.
        Et brusquement…

 

        Sim dépose la balle au bord de l’entrée, lui donne un petit coup… et la voilà repartie vers le fond du terrier.
        « Hé, Rico ! crie le petit souriceau. Si tu venais jouer avec nous ? Nous allons dans la prairie. Tu viens nous rejoindre ? Et n’oublie pas la balle ! »
        Sidérés, ses amis écarquillent les yeux.
        « Mais qu’est-ce qui te prend ? Tu es complètement fou ! s’exclame Corentin. Il ne viendra pas, c’est sûr. Et on ne reverra jamais plus la balle ! »
        « Jâââ-mais ! » répète Greta.
        « Qui sait… » murmure Sim. Et il part en sifflotant.

 

 

         Peu après en effet, Rico arrive, la balle sous le bras.
        « Salut ! dit Sim. Heureusement que tu as pu venir, on s’ennuyait sans ballon. Tu veux jouer avec nous ? Mais on doit tous faire un peu attention : Tonia ne voit pas bien, Greta est dure de l’oreille, Henri a peur de tout et moi, j’ai du mal à courir. Ça te dit quand même ? »
        Rico réfléchit quelques secondes, puis il hoche la tête.
        « Bien sûr ! Mon problème, c’est que j’ai un peu trop de force, dit-il. Il vaudrait peut-être mieux que je sois gardien de but ? Là, je serais sûr de ne bousculer personne. »
        « Bonne idée ! dit Sim. Attention, c’est parti ! »

 

        À six, ils jouent jusqu’à la nuit tombée.
        « Au fait, il est à qui, ce ballon ? » demande Rico lorsqu’ils s’arrêtent enfin.
        « À tout le monde ! » répondent les cinq amis en chœur.
        « Autrement dit… à moi aussi ? » demande Rico, surpris.
        « Bien sûr, dit Sim. Une balle pour tous, ça suffit ! »
        L’autre hésite. « Dans ce cas… je pourrais la reprendre chez moi ce soir ? Juste pour une fois ! »

 

 

        Les autres éclatent de rire.  « Bien sûr ! Et demain, tu la ramènes pour qu’on puisse à nouveau jouer tous ensemble, d’accord ? »
        « D’accord ! » lance Rico.
        Et le cœur léger, Rico rentre au terrier.

 

 

     

 

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