Tu es né avec des ailes, alors pourquoi te contentes-tu de ramper ?
Rumi
Certaines personnes ne sont tout simplement pas faites pour réussir. C’est du moins ce que beaucoup de gens croient au sujet des enfants à problèmes. Peut-être avez-vous déjà entendu la phrase suivante: « Avec une aile brisée, on ne vole pas bien haut. » Je suis convaincu qu’on a incité T.J. Ware à se sentir ainsi presque chaque jour à l’école.
À 13 ans, T.J. traînait une réputation de fauteur de troubles dans toute la ville, à un point tel que les enseignants grimaçaient quand ils apercevaient son nom sur leur liste d’élèves. Peu bavard, T.J. refusait de répondre aux questions qu’on lui posait et se bagarrait tout le temps. Malgré qu’il avait échoué presque tous ses cours, T.J. était parvenu à se rendre à sa dernière année d’études secondaires, ses enseignants préférant lui accorder la note de passage plutôt que de l’avoir de nouveau comme élève l’année suivante.
Je l’ai rencontré pour la première fois à l’occasion d’une retraite de deux jours qui portait sur le leadership. Tous les élèves de l’école avaient été invités à participer au Programme AS. Ce programme visait à encourager les jeunes à s’engager activement dans leur communauté. T.J. était un des 405 élèves qui s’étaient inscrits. Lorsque j’arrivai à l’école à titre d’animateur de cette retraite, les responsables me donnèrent cet aperçu des participants : « Nous avons ici un éventail complet, depuis le président du conseil étudiant jusqu’à T.J. Ware, le garçon qui a le casier judiciaire le plus étoffé de toute l’histoire de notre ville. » Par ces paroles, je sentis que j’étais loin d’être le premier à entendre parler de ce garçon de façon négative.
Au tout début de la retraite, T.J. alla s’adosser au mur, à l’écart des autres élèves, et prit un air qui semblait dire « Allez-y, impressionnez-moi ». Par la suite, il participa à contrecœur aux groupes de discussion et parla peu. Cependant, les jeux interactifs semblèrent l’intéresser.
La glace fut définitivement rompue lorsque les groupes d’élèves commencèrent à faire le bilan des événements positifs et négatifs des mois précédents. T.J. avait quelque chose à dire à ce sujet, et ses coéquipiers accueillirent chaleureusement ses commentaires. Dès lors, il sentit qu’il était membre à part entière du groupe et on le traita bientôt comme un leader. Ses propos étaient pertinents et tous l’écoutaient. Il. était un garçon intelligent qui avait d’excellentes idées.
Le lendemain, T.J. participa avec entrain à toutes les activités. À la fin de la retraite, il se joignit à un comité qui allait monter un projet pour les sans-abri. La pauvreté, la faim et le désespoir ne lui étaient pas étrangers. Ses préoccupations et ses idées impressionnèrent d’ailleurs ses camarades, qui l’élurent vice-président du comité pour les sans-abri ; dorénavant, ce serait lui qui guiderait le président du conseil étudiant dans ce dossier.
Le lundi suivant, T.J. arriva à l’école en pleine controverse. Un groupe d’enseignants protestaient auprès du directeur de l’école quant à son élection au poste de vice-président. La toute première activité organisée par le comité du projet sans-abri allait consister en une collecte de nourriture effectuée auprès de toute la population de la ville. Or, les enseignants ne concevaient pas qu’on puisse confier à un incapable comme T.J. la mission d’amorcer un important et prestigieux plan d’action qui s’étendrait sur trois ans. « Son casier judiciaire est long comme le bras et il s’organisera sûrement pour chaparder la moitié des denrées de la collecte », insistèrent les enseignants. Le directeur leur répéta que le programme AS avait justement pour objectif de révéler aux élèves leurs motivations positives et de les inciter à les mettre à profit jusqu’à ce qu’un changement véritable prenne place. Les enseignants quittèrent la rencontre en secouant la tête de découragement, persuadés que l’école se dirigeait tout droit vers un désastre.
Deux semaines plus tard, T.J. et ses amis prirent la tête d’un groupe de 70 élèves et commencèrent la collecte de nourriture. Ils fracassèrent le record de l’école : en seulement deux heures, ils amassèrent 2 854 boîtes de conserve. On put ainsi garnir les tablettes de deux banques alimentaires de la ville, et cette nourriture permit de subvenir aux besoins des familles pauvres pendant 75 jours. Le lendemain, le journal local couvrit l’événement en lui consacrant une page entière. On plaça l’article de journal sur le tableau d’affichage de l’école où tout le monde pouvait le lire. Pour une fois, la photo de T.J. était associée à quelque chose de positif ; il avait dirigé une collecte record de nourriture. Chaque jour, cet article de journal lui rappelait ce qu’il avait accompli. On reconnaissait en lui l’étoffe d’un leader.
T.J. commença à se présenter à l’école chaque jour et, pour la première fois, à répondre aux questions de ses enseignants. Il prit la tête d’un deuxième projet au cours duquel il amassa 300 couvertures et 1 000 paires de chaussures à l’intention des sans-abri. Quant au projet de collecte de nourriture qui se poursuivait, T.J. et son groupe réussissaient maintenant à amasser 9 000 boîtes de conserve en une journée, ce qui répondait à 70 % des besoins pour l’année.
L’exemple de T.J. nous rappelle qu’un oiseau dont l’aile est brisée a simplement besoin d’un peu de soins. Une fois guéri, il peut voler plus haut que les autres. On a confié des responsabilités à T.J. et il s’est montré à la hauteur.
Aujourd’hui, il réussit plutôt bien à voler de ses propres ailes.
Jim Hullihan