L’heure de la tonte a sonné ! Pas pour Sheila cependant qui est encore trop jeune pour pouvoir y aller. En attendant que sa laine pousse, la petite brebis part faire un tour dans la campagne et y rencontre ses voisins. Limace, Souris ou Cochonnet, chacun admire la jolie toison qui commence à lui couvrir le dos. Et chacun aimerait avoir un peu de laine pour se réchauffer. Mais plus ses bouclettes augmentent, plus la belle devient coquette…
« Et ma laine ? Je veux qu’on la tonde elle aussi ! s’écrie Sheila. »
« Il faut d’abord qu’elle pousse ! lui explique sa maman. Ta toison n’est pas encore assez épaisse pour être coupée. »
Dans ce cas, je vais aller faire un petit tour en attendant, décide Sheila.
Et sans rien ne dire à personne, elle part dans la campagne.
« Jolie laine ! dit une limace rencontrée au bord du chemin. Tu peux m’en donner un peu ? Je me sens toute nue sans maison sur le dos. »
« Reviens l’an prochain, pauvre petite, soupire Sheila. D’ici-là, ma toison devrait être assez longue. »
Puis elle reprend sa route.
Une souris s’approche en tremblotant.
« Dis, tu pourrais me donner une petite touffe de ta belle laine ? J’ai si froid ! »
« Ce n’est pas étonnant, ton pelage est tellement fin ! dit Sheila, prise de pitié. L’année prochaine, je pourrai peut-être t’aider. »
Et trotti-trotta elle repart d’un bon pas.
« Bonjour ! Tu peux me donner un peu de ta toison ? demande une biche. Ta fourrure est si douce et bouclée ! La mienne est toute lisse et un peu rêche. »
« Pas de chance, désolée pour toi, dit Sheila. Dans un an, on verra. Je pourrai peut-être faire quelque chose d’ici là. »
« Quelle belle fourrure tu as ! admire le cochon. Tu m’en donnes un peu ? Moi, je n’ai qu’une pauvre brosse sur le dos ! »
« Heureusement que je suis plus jolie que toi ! rétorque Sheila d’un air hautain. Ma toison est particulièrement belle, c’est vrai, pas question de t’en donner le moindre bout ! »
Arrivée au bord de la mer, Sheila observe son reflet dans l’eau.
« Ah, se dit-elle. De tous les animaux, c’est vraiment moi qui ai la plus belle parure. Jamais je ne m’en séparerai ! »
Et la brebis s’en va ainsi, de plus en plus loin.
Et sur son dos, sa toison continue de pousser, de plus en plus drue. Elle devient si épaisse que Sheila transpire à grosses gouttes.
Elle devient si longue qu’elle peut à peine bouger.
Mais qu’importe.
« L’essentiel, c’est d’être belle ! » se dit-elle.
Bientôt, la laine est si touffue que Sheila en a les yeux tout emprisonnés. Les yeux, et le cœur.
Cela fait longtemps maintenant qu’elle a oublié les autres animaux. Une seule pensée l’occupe : sa toison.
Et un jour…
« Aïe ! » hurle Sheila.
« Pauvre brebis, la console la chouette. Tu ne vois plus rien ! Et tu dois avoir affreusement chaud. Pas moyen non plus de jouer à saute-mouton comme les autres. Il faut absolument tondre cette laine, et vite ! »
« Mais je ne veux pas m’en séparer, pleure Sheila. J’ai la plus belle toison qui soit ! »
« Ta laine est vraiment très belle, mais on peut en faire des choses plus belles encore, lui promet la chouette. N’aie pas peur, regarde ! »
Lorsqu’elle comprend tout ce qu’on peut faire de sa jolie laine, Sheila n’a plus qu’une envie : passer sous la tondeuse… et aller retrouver sa maman !