Djabibi

 

Un porcelet, qui ne veut pas finir en chair à saucisse et qui s’échappe de l’abattoir, découvre la liberté et l’amitié avec le jeune Bébert qui le baptise Djabibi, nom africain de l’ananas que le cochon apprécie… Très vite, sa popularité croît, pour la plus grande colère des bouchers. Pour le protéger, le maire décide de le mettre au zoo… mais…
 
 

 

  Cinq heures du matin…
  Sur l’autoroute déserte, un camion fonce à toute allure.
  À son bord, serrés comme des sardines, une centaine de cochons bien gras dorment à poings fermés. Seul un porcelet veille.

 

  “Debout là-dedans ! Terminus, tout le monde descend !”
  Tabliers blancs, larges sourires et grands couteaux, les bouchers s’activent dans la cour de l’abattoir.

 

 

  Le porcelet ne veut pas finir en chair à saucisse. Il mord ses bourreaux et prend ses jambonneaux à son cou. Une horde de bouchers à ses trousses, il franchit les grandes portes de l’abattoir. Il court droit devant lui. Il court ventre à terre. Il court comme jamais il n’a couru.
  À bout de souffle il s’arrête, puis se retourne le cœur battant…
  Plus personne à l’horizon ! Ouf ! Il les a semés.

 

  Cette longue poursuite a conduit le porcelet en plein centre ville.
  Comme il vient de la campagne, il ne reconnaît rien ici.
  Les rues et les trottoirs lui paraissent bien sales.
  Mais soudain, un étal rempli de fruits inconnus attire son attention.
  Après toutes ces émotions, notre petit cochon a l’estomac dans les talons ! Il se dirige sans hésiter vers l’épicerie.

 

  Il choisit un fruit d’une belle couleur jaune et le mord à plein groin. Quel délice !
  Mamadou, l’épicier, le regarde d’un air amusé :
  ― D’où viens-tu, petit cochon ? Je parie que tu t’es enfui de l’abattoir… Et puisque tu aimes les ananas, je vais t’appeler Djabibi : c’est ainsi qu’on nomme ce fruit dans mon pays.
  Le porcelet est rassuré : le monde entier n’est pas fait que de bouchers !
  ― Suis-moi, Djabibi, je vais te présenter à mon petit garçon. Je suis sûr que vous deviendrez amis.
  ― Bébert ! Bébert ! Dépêche-toi ! Tu vas être en retard !
  Bébert dévale les escaliers quatre à quatre… et se retrouve nez à groin avec le porcelet.
  ― Mon fils, je te présente Djabibi, cochon téméraire qui s’est enfui de l’abattoir.

 

  Bébert et Djabibi se plaisent immédiatement.
  ― Il peut m’accompagner à l’école, Papa ?
  ― Oui, mais ne traînez pas en chemin !

 

  Djabibi prend un dernier fruit pour la route et suit Bébert jusqu’à l’arrêt de l’autobus.
  Djabibi ne paie pas sa place ; le règlement n’a pas prévu de tarif cochon…
  Il regarde défiler la ville par la fenêtre du bus.
  À la vue de l’abattoir, il se met à faire des pitreries qui font rire aux larmes Bébert et ses amis.
  Ils doivent se séparer devant les grilles de l’école.
  Djabibi attend de longues heures en se demandant ce que Bébert peut trouver de si amusant à faire dans cet endroit.

 

  Enfin, Bébert sort de l’école. Les deux amis rentrent à pieds.
  Bébert en profite pour apprendre à Djabibi à traverser quand le feu est vert.
  Il lui apprend aussi à changer de trottoir devant la boucherie Fricoto et à ne plus chiper à tous les étals des magasins.
  ― Comment appelles-tu ton porcelet, Bébert ? demande la fleuriste.
  ― Djabibi !
  ― C’est un bien joli nom.
  ― Et vraiment exotique pour un cochon ! s’exclame le droguiste… qui connaît bien l’Afrique.

 

  Djabibi est devenu si célèbre que Mamadou a décidé de rebaptiser son épicerie.
  Du Café du Commerce aux bureaux de la Mairie, toute la ville ne parle que de Djabibi.
  Le gardien du parc feint de ne pas le voir lorsqu’il mange quelques fleurs ou s’écarte des sentiers. Les épiciers ferment les yeux quand il se sert à leur étal. Les chiens l’envient de se promener sans laisse ni collier.

 

  Un jour, Djabibi a sa photo dans le journal. Il a sauvé une vieille dame qui allait se faire écraser. C’en est trop pour les bouchers !

 

  Ils décident de retrouver coûte que coûte ce porcelet qui les rend ridicules. Mais tous les habitants de la ville s’interposent.
  Tous… même le boucher Fricoto.
  ― Ce cochon nous appartient, crient les bouchers en colère.
  ― Djabibi est devenu notre mascotte. Nous vous proposons de le racheter.
  Et pour que Djabibi échappe désormais à tous les bouchers du monde, le Maire demande au directeur du zoo de l’accueillir à titre exceptionnel. Cette solution semble plaire à tout le monde… sauf à Bébert et son père.

 

  Djabibi n’y comprend plus rien !
  Vous l’avez deviné, cette histoire ne finira pas ici.

 

Rascal ; Mario Ramos (ill.)
Djabibi
Paris, l’école des loisirs, 1992

 

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