Ceux qui illuminent la vie des autres ne peuvent garder cette lumière pour eux seuls.
James M. Barrie
Il y a longtemps, je fréquentais une école qui comptait 3 200 élèves d’origines ethniques diverses. C’était un milieu plutôt rude où couteaux, bouts de tuyau, chaînes et pistolets bricolés étaient monnaie courante.
Les bagarres et les gangs de rue faisaient partie du quotidien.
Un jour, après avoir assisté à un match de football avec ma petite amie, nous nous retrouvâmes sur le trottoir parmi la foule qui revenait du match. Je sentis alors quelqu’un me frapper dans le dos. Je me tournai et j’aperçus les membres d’un gang de rue qui étaient connus dans le coin. Le premier coup d’une attaque absolument gratuite me brisa le nez, puis tomba une pluie de coups qui me fracturèrent plusieurs autres os. Ils étaient 15 à m’agresser et les coups fusaient de partout. Bilan : plusieurs blessures, une commotion cérébrale et une hémorragie interne. Plus tard, d’ailleurs, je dus subir une intervention chirurgicale. Si j’avais reçu un seul coup de plus à la tête, je serais probablement mort aujourd’hui, me révéla le médecin.
Heureusement, ma petite amie s’en tira indemne.
Une fois rétabli (physiquement parlant), des amis vinrent me voir pour me dire : « Il faut se venger de ces types ! ».
Voilà comment on « réglait » les problèmes dans mon milieu. Si on était victime d’une attaque, la vengeance devenait la priorité absolue. Une partie de moi me poussait dans cette direction. Le soulagement que procure la vengeance était, en définitive, une option valable.
Pourtant, une autre partie de moi jusque-là restée silencieuse commença à dire non.
La vengeance est une voie sans issue qui, comme l’histoire nous l’a maintes fois enseigné, ne fait qu’accélérer et intensifier les conflits. Si nous voulions briser le cercle vicieux de la violence, nous devions faire autre chose.
En collaboration avec des représentants de divers groupes ethniques, nous mîmes sur pied un comité baptisé « Main dans la main » qui avait pour mission d’améliorer les relations interraciales. Je fus étonné de l’intérêt que suscita chez les élèves cette occasion de bâtir un avenir meilleur. Il subsistait bien quelques poches de résistance, c’est-à-dire une minorité d’élèves, de parents et d’enseignants qui s’opposaient activement à ce type d’échanges interculturels, mais nous étions de plus en plus nombreux à unir nos efforts pour améliorer les choses.
Deux années passèrent et je me présentai au poste de président du conseil étudiant de l’école. Malgré le fait que mes deux adversaires et amis étaient favoris au départ, l’un une étoile de football et l’autre un garçon extrêmement populaire à l’école, une majorité significative des 3 200 élèves se joignirent à mon projet de faire changer les choses.
Je ne prétendrai pas que les problèmes de nature raciale se réglèrent tous, mais je peux dire que les progrès furent tangibles sous plusieurs aspects. Les élèves intéressés apprirent comment créer des liens avec d’autres cultures, comment aborder et entrer en relation avec une personne d’une autre origine ethnique, comment résoudre des conflits sans violence et comment établir un climat de confiance dans des circonstances difficiles.
Il est renversant de constater ce qui se produit quand les gens se parlent !
L’agression dont j’ai été victime aux mains d’un gang de rue a été, de loin, une des épreuves les plus difficiles de ma vie. Toutefois, ma décision de réagir en misant sur l’amour plutôt que sur la haine m’a souvent inspiré par la suite. Lorsqu’on s’ouvre à ceux qui ont de la difficulté à le faire, on acquiert le pouvoir de faire changer les choses.
Eric Allenbaugh