Billy se bile

 

Billy se faisait facilement de la bile.
Beaucoup de choses l’inquiétaient, les CHAPEAUX par exemple, et puis les CHAUSSURES, et les NUAGES, et aussi la PLUIE.
Billy se tracassait même à cause des OISEAUX GÉANTS.

 

 

Son papa essaya de le rassurer.
« Ne t’inquiète pas, fiston, dit-il. Tu ne risques vraiment rien. Tout cela n’existe que dans ton imagination. »
Maman essaya à son tour.
« Ne t’inquiète pas, mon amour, dit-elle. Nous sommes là pour te protéger. »
Mais Billy s’inquiétait quand même.

 

 

Une nuit, il dut aller dormir chez sa mamie.
Billy ne parvenait vraiment pas à trouver le sommeil.
Il était trop inquiet.
Il se faisait encore plus de bile quand il dormait chez les autres, toujours. Billy se sentait un peu ridicule, mais il finit par sortir de son lit pour aller en parler à sa mamie.
« Mais non, mon amour, tu n’es pas ridicule, dit-elle. Quand j’avais ton âge, moi aussi, je m’inquiétais comme ça. J’ai exactement ce qu’il te faut. »
Elle alla dans sa chambre et revint avec des figurines dans la main.

 

 

« Ce sont des poupées-tracas, expliqua-t-elle. Tu confies à chacune une inquiétude, puis tu les glisses sous ton oreiller. Et elles s’inquiéteront à ta place pendant ton sommeil. »
Billy raconta tout ce qui le tracassait à ses poupées-tracas.
Il dormit comme un loir.

 

 

Le lendemain matin, Billy rentra chez lui. Quand vint la nuit, il raconta de nouveau tout ce qui le tracassait à ses poupées.
Il dormit comme une marmotte.
Il dormit comme une souche la nuit qui suivit et celle d’après aussi.
Mais la nuit d’encore après, Billy recommença à s’inquiéter.
Il n’arrêtait pas de penser aux poupées — tout le tracas qu’il leur avait donné…
Elles devaient tellement se tracasser.
Ce n’était pas juste.

 

Le lendemain, Billy eut une idée.
Il passa la journée entière à travailler sur la table de la cuisine.
C’était un travail difficile, il fit beaucoup d’erreurs et dut s’y reprendre à plusieurs fois.

 

 

Mais finalement, il réussit à fabriquer quelque chose de tout à fait étonnant : des poupées-tracas pour les poupées-tracas !
Cette nuit-là, TOUT LE MONDE dormit merveilleusement bien, Billy, et toutes les poupées-tracas.

 

 

Depuis, Billy ne se fait plus du tout de bile.
Et ses amis non plus…
Billy leur a fabriqué à TOUS des poupées-tracas.

 

 

♦ ♦ ♦

 

Les poupées-tracas viennent du Guatemala, en Amérique centrale. C’est là que des enfants se sont mis à les fabriquer, il y a très longtemps à partir de petits morceaux de bois, de minuscules bouts de chiffons et de brins de fil. À l’heure du coucher, ils confiaient chacune de leurs inquiétudes à chacune de ces poupées, les glissaient sous leurs oreillers, puis s’endormaient. Et lorsque les enfants se réveillaient, ce qui les tracassait s’était envolé.
Aujourd’hui encore, les enfants guatémaltèques se reposent toujours sur leurs poupées-tracas pour qu’elles les délivrent de leurs inquiétudes pendant leur sommeil et cette coutume s’est répandue à travers le monde entier.

 

Anthony Browne
Billy se bile
Paris, Kaléidoscope, 2006

 

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Billy se bile

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