Le livre qui parlait toutes les langues

 

C’est l’histoire d’un petit garçon vêtu de rouge, qui marchait tout seul, avec un sac sur le dos et une montre en or au poignet.
Mais c’était une fausse montre : elle était en papier !
Il passa devant le marchand de vaisselle sans rien casser, devant le marchand de poisson sans se boucher le nez et devant le marchand de pâtisserie sans rien voler…

 

 

Le petit garçon marcha, marcha, marcha…
Il marcha, marcha, marcha…
Il marcha, marcha, marcha…

 

 

Le petit garçon vêtu de rouge atteignit enfin la forêt.
Il salua l’écureuil dans la langue des écureuils et tous les lapins de toutes les couleurs dans leurs langues multicolores.

 

 

Arrivé au pied du plus grand arbre de la forêt, il s’arrêta.
Épuisé d’avoir tant marché, le petit garçon sortit de son sac une toute petite table, une toute petite chaise et un très grand livre.

 

 

Il posa le livre sur la table, s’assit et commença à lire, lorsqu’un véritable loup arriva.
Le loup demanda au petit garçon :
— Quelle heure est-il, grand garçon ?
Celui-ci répondit sans hésiter :
— L’heure de manger !
Le loup s’approcha de l’enfant et dit tout bas :
— Alors le repas peut commencer !
Le loup ouvrit grand sa gueule de loup et…
— Attends ! dit l’enfant. Mon histoire n’est pas terminée !
— C’est une belle histoire, insista-t-il : l’histoire d’un poisson volant qui habite dans un vase magique au pays où le roi est un oiseau…
Trois beaux oiseaux vinrent se poser tout près de l’enfant pour écouter la suite de l’histoire.

 

 

Le loup attendit, attendit, attendit et, lorsqu’il sentit que la nuit n’allait pas tarder à arriver, il demanda à l’enfant habillé de rouge foncé :
— Quelle heure est-il maintenant, grand garçon ?
L’enfant répondit sans hésiter :
— L’heure de dîner !

 

 

Le loup s’approcha tout près de lui et hurla :
— Alors le repas va enfin commencer !
Puis il ouvrit très grand sa gueule de loup affamé.
L’enfant dit :
— Attends, l’histoire recommence maintenant dans une autre langue !
Le loup s’allongea et écouta.

 

 

Lorsque le petit garçon arriva à la fin de l’histoire, au moment où le poisson transporte le château de la princesse sur son dos, il dit au loup :
— Et voilà que l’histoire recommence encore dans une autre langue… puis dans une autre, et une autre encore ! Mon livre sait parler toutes les langues ! Et il y a bien plus de langues sur la Terre que de poils sur ton dos !
Le loup finit par s’endormir au pied de l’arbre, épuisé, découragé et terriblement affaibli de n’avoir rien mangé de la journée.

 

 

Et quand il se réveilla au milieu de la nuit… le petit garçon vêtu de rouge n’était plus là depuis longtemps ; sa montre en papier lui avait dit qu’il était l’heure de rentrer se coucher.
Alors il était parti sur la pointe des pieds, sa petite table, sa petite chaise et son grand livre bien rangés.

 

Demain, l’histoire pourra recommencer ; son livre a encore beaucoup à raconter, raconter, raconter…

 

 

Alain Serres
Le livre qui parlait toutes les langues
Voisins-le-Bretonneux, Rue du Monde
Publicité