Ils ont trouvé
Le vieil homme tranquille,
Lui ont dit que les temps
N’étaient pas aux chansons mais à la guerre…
Ils lui ont pris des mains son violon
Et l’ont cassé en deux…
Le vieux monsieur, muet, les a regardés faire,
Puis a fermé les yeux. S’en prendre à un violon
S’en prendre à la musique…
Et ces soldats, hilares,
Heureux de leur forfait.
Le vieil homme n’a pas bougé, n’a rien dit…
Alors ils sont partis.
Et le vieux violoniste
A attendu longtemps… Quand la nuit fut bien noire,
Il se leva pour aller prendre
Au fond d’un long tiroir
Un violon tout pareil à celui que ces fous
Venaient de lui briser…
À l’heure où naît l’aurore, il joue pour elle,
Et ses notes s’envolent dérisoires et têtues…
Il joue sur son violon le vieil homme tranquille…
Sa musique, c’est sûr, a fait peur aux soldats.
S’ils l’entendent, parfois,
Résonner sur la ville,
C’est certain, ils ne reviendront pas…
Et, tout seul, face au monde
Qui s’en lave les mains, simplement,
Sans colère et sans arme, pour conjurer la peur,
Les larmes, le chagrin,
Le vieux monsieur se bat, son archet à la main !
Loin de Sarajevo, je pense à lui souvent…
La guerre est une horreur qui détruit les artistes…
À cause d’elle, maintenant,
Si son visage est beau, il joue le regard triste,
Et son violon, là-bas, pleure comme un enfant…
Simone Bonnaure