Il était une fois…
Eh oui, mon histoire commence comme un conte, mais un conte sans princesse, ni roi, ni reine… et c’est une histoire vraie…
Il était une fois, donc, dans un bidonville du Paraguay, des hommes et des femmes, des familles avec des enfants qui vivaient en fouillant les ordures. Des tonnes d’ordures, des montagnes d’ordures qu’apportaient les bennes d’énormes camions venus de la grande ville.
Ces gens triaient avec leurs mains tout ce qui pouvait se revendre : le papier, le plastique et le métal. C’est comme ça qu’ils vivaient à Cateura, ou plutôt qu’ils survivaient, sans beaucoup de joie de vivre… Au milieu des ordures, sans eau potable, ni vraie maison. Et les enfants qui triaient eux aussi les déchets, se demandaient : « C’est ça la vie ? »
Puis est arrivé un magicien… Enfin non, pas vraiment un magicien, juste un homme au grand cœur. Il s’appelait Favio Chávez !
Il avait une baguette magique. Non ! Une baguette de chef d’orchestre.
Favio pensait que seule la musique pourrait redonner le sens de la beauté à tous ces enfants qui traînaient au milieu des déchets. Ces enfants qui n’avaient pas de but dans la vie… et qui se bagarraient souvent, parfois même se droguaient.
Favio voulait leur apprendre la musique, car la musique, selon lui, c’est le bonheur, la gaité, la liberté…
Mais pour jouer, il faut des instruments. Et les instruments de musique coûtent beaucoup d’argent. Et de l’argent, il n’y en a pas dans le bidonville.
C’est alors qu’un papa super bricoleur a dit :
« On pourrait les fabriquer. Moi, je crois qu’avec des bidons je saurai faire des tambours. »
Tout le monde a acquiescé.
Hélas, les tambours donnent du rythme. Il ne faut pas un vrai orchestre. Pour la mélodie, il faut des violons, des violoncelles, des flûtes, des saxophones. Et comment se procurer tout ça ?
Le papa bricoleur a ajouté : « Tous ces instruments sont faits avec du bois, du métal, des cordes… Des trucs qu’on trouve dans les poubelles. Pour les matières premières, ici, pas de problème, nous sommes les rois ! » Et tout le monde a rigolé.
À compter de ce jour, les gens du bidonville ont trié les choses utiles, pas seulement pour revendre, mais aussi pour fabriquer et créer.
Favio a installé un atelier où on a commencé à bricoler, scier, peindre et coller… Un bidon d’huile découpé, des tôles soudées, du fil de pêche, une fourchette cassée… abracadabra dans le débarras, et voilà que naît le premier violon recyclé.
Favio fait les réglages. Sol ré la mi, sol ré la mi. Tout le monde écoute Favio, qui se met à jouer. Grand silence. Émotion… Et applaudissements : le violon de bidon et de tôle soudées sonne comme un vrai violon.
Au boulot… Au boulot…
Des tuyaux de cuivre qu’on soude, des clés de voiture assemblées, et voilà un vrai saxophone. Des planches d’une vieille armoire, on les découpe, on les ajuste et voilà une vraie guitare. Puis des tambours, une contrebasse, des flûtes qui brillent et une trompette…
Quand tous ces instruments sont prêts et accordés, Favio écrit sur un mur : « Ici, cours de musique gratuits pour les enfants de Cateura. »
Mais ce n’est pas de la rigolade. Il faut s’inscrire et ne pas manquer les cours pour apprendre à jouer vraiment. Bien s’appliquer, et gare aux couacs !
Pas facile au début ! Mais Favio a une patience d’ange. Il faut réussir !
Car c’est tout le bidonville qui se passionne désormais pour ce beau projet. Favio n’a pas le droit d’échouer. Répétitions répétitions, travail travail, patience patience… Répétitions. Émotions, et éclats de rire…
Peu à peu, sous la baguette de Favio et sous les doigts des enfants musiciens, Andres, Ada, Carlos, Sofia, Juan, José… Un morceau de belle musique est né.
Vite, vite, il faut un public pour écouter.
Le bidonville devient théâtre.
On balaie, on nettoie, on décore la grande salle…
Comme ils sont fiers, les parents… Chacun a mis son plus bel habit pour venir les encourager.
Tout le monde s’émerveille. Comment une si belle musique peut-elle naître des déchets venus des poubelles ? Comment tant de beauté peut-elle sortir d’un champ d’ordures ! Un grand orchestre vient de voir le jour…
Un enfant dit :
« C’est notre ORCHESTRE RECYCLÉ. »
On travaille, et on répète. Car Favio voit toujours plus loin.
Il ne veut pas que son orchestre ne joue que pour le bidonville.
Il veut organiser des tournées, montrer à tout le Paraguay ce que font ces enfants délaissés…
Vient enfin le grand jour à Asunción, la capitale. La salle est grande et belle. Beaucoup de gens importants sont là !
Les enfants ont un peu le trac. Mais quand ils se mettent à jouer, sous la baguette de Favio, leurs visages s’illuminent. Ils ne sont plus que musique, musique, musique…
À la fin du concert, c’est le délire. Les spectateurs montent sur la scène. Ils n’en croient pas leurs yeux. Ils veulent voir ces guitares en bois de vieille armoire, ces saxos de vieux tuyaux, ces violons de tôle et tous ces enfants virtuoses.
Des producteurs veulent les inviter pour aller jouer en Colombie, au Panama, au Brésil, et pourquoi pas aux USA ? Des journalistes veulent les rencontrer. Un cinéaste, les filmer.
C’est ainsi que les papas, les mamans invités, tous ces parents trieurs d’ordures, ont retrouvé leur dignité…
Et que les enfants musiciens se sont mis à rêver de demain, rêver d’un monde de beauté dont la musique est une clé.
Grâce à Favio, semeur d’espoir, à son « orchestre recyclé », à Cateura l’espoir renaît.
♥ ♥ ♥
♥
CRÉER DE LA BEAUTÉ ET DU PARTAGE AVEC DES DÉCHETS
Ceci est une histoire vraie. L’ORCHESTRE DES INSTRUMENTS RECYCLÉS existe vraiment. Il se nomme ORQUESTRA DE INSTRUMENTOS RECICLADOS de Cateura et il a été créé au Paraguay.
À Cateura, il y a la grande décharge publique de la capitale du pays, Asunción, et les gens survivent en récupérant ce qu’ils y trouvent. C’est un peu comme s’ils vivaient sur un tas d’ordures.
Tout a commencé en 2006, lorsque Favio Chávez proposa aux enfants de récupérateurs d’ordures de leur apprendre la musique, afin de les sortir de leur triste quotidien. Comme on avait besoin de beaucoup d’instruments, un génial employé de ce grand dépotoir, Nicolás Gómez, surnommé Cola le luthier, eut l’idée de les fabriquer. Les parents des enfants du bidonville ont accepté de l’aider et avec beaucoup de travail et d’imagination, ils ont mis au point ces incroyables instruments.
Tout a été fabriqué avec des déchets trouvés sur la décharge : des fourchettes, des canettes en aluminium, du bois de palette, de vieux bidons d’huile, des capsules de bouteilles, des boutons, des tuyaux, bref, tout ce qu’on peut y récupérer. La Orquestra de instrumentos reciclados de Cateura était née.
Comme un grand orchestre, sous la direction de Favio Chávez, ils jouent de la musique classique : Mozart, Beethoven, Vivaldi, Liszt, mais aussi les Beatles, du rock et de la pop. Il s’est fait connaître en jouant tout d’abord au Paraguay, puis sa réputation a grandi. Il s’est produit en Amérique latine : en Uruguay, au Brésil, en Colombie, puis plus tard aux États-Unis et au Canada. Il a même fait une tournée en Europe, visitant Amsterdam et Paris. Sa formation compte aujourd’hui plus de 35 musiciens et son succès ne fait que grandir.
Cette belle initiative a permis de sortir beaucoup d’enfants de la misère, et surtout de leur redonner une dignité. Ils ont ainsi pu échapper à la violence, à l’alcool, à la drogue, en retrouvant un sens à leur vie.
La musique est une des plus belles créations humaines car c’est un langage universel. « Quand j’entends le son du violon, nous dit Ada Maribel Ríos Bordados, une des violonistes, j’ai l’impression d’avoir des papillons dans mon ventre. »
Et, avec un grand sourire, Favio Chávez, le chef d’orchestre, déclare : « Le monde nous envoie ses déchets, nous lui renvoyons de la musique ! »
La célébrité de l’orchestre est aujourd’hui telle qu’un magnifique film documentaire a été réalisé en 2015 par Brad Allgood et Graham Townsley : Landfill Harmonic. On peut en voir des extraits, en anglais ou en espagnol, sur le site http://www.landfillharmonicmovie.com.
Et pour ceux qui aimeraient voir les enfants jouer il suffit de taper sur internet “Orchestre recyclé” pour accéder à de nombreux petits films ou émissions de télévision.