Yakouba

De partout à la ronde, on entend le tam-tam.

Au cœur de l’Afrique, dans un petit village, on prépare un grand festin. C’est un jour de fête. On se maquille, on se pare. C’est un jour sacré. Le clan des adultes se rassemble et désigne les enfants en âge de devenir des guerriers.

Pour Yakouba, c’est un grand jour. Il faut apporter la preuve de son courage, et seul, affronter le lion. Sous un soleil de plomb, marcher, franchir les ravins, contourner les collines, se sentir rocher, forcément, herbe, bien sûr, vent, certainement, eau, très peu. Le jour comme la nuit, épier, scruter ; oublier la peur qui serre le ventre, qui transfigure les ombres, rend les plantes griffues et le vent rugissant. Attendre des heures et puis soudain… s’armer de courage et s’élancer pour combattre.

Alors Yakouba croisa le regard du lion. Un regard si profond qu’on aurait pu lire dans ses yeux.

« Comme tu peux le voir, je suis blessé. J’ai combattu toute la nuit contre un rival féroce. Tu n’aurais donc aucun mal à venir à bout de mes forces. Soit tu me tues sans gloire, et tu passes pour un homme aux yeux de tes frères, soit tu me laisses la vie sauve et à tes propres yeux tu sors grandi, mais banni, tu le seras par tes pères. Tu as la nuit pour réfléchir. »

Au petit matin, Yakouba ramassa sa lance, jeta un dernier regard sur le lion épuisé et prit le chemin du retour.

Au village, les hommes, son père, tous l’attendaient. Un grand silence accueillit Yakouba.

Ses compagnons devinrent des guerriers respectés de tous.

À Yakouba, on confia la garde du troupeau, un peu à l’écart du village.

C’est à peu près à cette époque que le bétail ne fut plus jamais attaqué par les lions.

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Dans la vie, il faut avoir le courage de suivre son propre chemin.

Et il faut oser être différent… malgré les conséquences.

Thierry Dedieu
Yakouba
Paris, Seuil Jeunesse, 1994
(Adaptation)