Chez les Touaregs,
la djenniya ou gazelle aux yeux d’or
est un génie protecteur et bienfaisant.
Khemma, un vieux Touareg, vit misérablement avec sa femme et son fils dans un coin aride du désert. Malgré la paresse de son jeune fils, il entreprend de faire vivre une oasis. Sa sagesse et son courage seront récompensés par la Djeninia, le génie bienfaiteur : les cornes magiques vont exaucer tous leurs vœux.
Par chance, la gazelle aux yeux d’or lui vient en aide et les récoltes sont abondantes…
Il y a très longtemps, en plein cœur du désert, Khemma, un vieux touareg qui n’avait plus la force de voyager, s’installa dans une gorge peuplée de maigres acacias et de tamaris.
Sa femme Aïcha et son fils Krim trouvèrent le lieu terriblement hostile. Ils préféraient habiter une oasis ou un village accueillant mais ils ne contredirent pas Khemma ; la parole du chef de la famille était sacrée. Le père construisit une hutte ronde en terre sèche, avec un toit de roseaux, aménagea un enclos en branchages pour abriter la chamelle, la chèvre et entreposer ses outils. Il éleva, sur des mâts, une cache en herbes sèches, protégeant la nourriture des chacals, des hyènes et des vautours. Il posa des pièges pour écarter les fennecs et les vipères à cornes.
Jamais Krim, son fils, ne l’aida. Il préférait dormir à l’ombre d’un palmier et se repaître du lait de chamelle bien frais.
— Je suis faible, père adoré, si faible que mes jambes me portent difficilement… répétait-il au long de la journée.
Et Khemma, souvent à bout de forces, travaillait, travaillait encore, sans rien dire, faisant son devoir tandis que son fils se plaignait, se plaignait toujours…
Parfois, le vieux Touareg consultait les amulettes et les talismans suspendus autour de sa ceinture et demandait au ciel :
— Quel sort réserves-tu à ce paresseux ?
Mais aucune réponse ne lui parvenait de la constellation sacrée du Lièvre. Alors il bredouillait :
— In cha’ Allah, si c’est comme ça, c’est que Dieu le veut…
Un jour, Khemma repéra « l’œil de l’eau ». Avec ses mains, il creusa un trou, découvrit de la boue, puis un filet ruisselant et façonna un puits. Un torrent clair et pur jaillit, forma une mare affleurant le sable, débordant dans l’oued asséché. Des buissons bien verts poussèrent. La chèvre put ainsi brouter les pousses délicates et sucrées. Il édifia un mur de galets ronds et polis l’abritant des bourrasques. Il chassa le mouflon et les lézards, ramassa les sauterelles, glana le bois, porta sur sa tête de lourds fagots pour entretenir le feu. Et Khemma, souvent à bout de forces, travaillait, travaillait encore, sans rien dire, faisant son devoir tandis que son fils se plaignait, se plaignait toujours…
— Je suis faible, père adoré, si faible…
Aïcha tenait le campement, préparait la bouillie de petit lait et le thé vert, cuisait les galettes, et les crêpes de blé. Le soir, fourbu, assis sur la natte, devant les braises rougeoyantes, le vieux Touareg s’endormait sans achever son repas et sans dévisager les étoiles. Pourtant, il aimait beaucoup ces petites lumières qui clignotaient au-dessus des dunes.
Aïcha protégeait farouchement son fils des critiques du père et répétait sans cesse à son mari pour le calmer de ses impatiences :
— Allah nous a donné le temps, mais il n’a rien dit de la hâte… Tu verras, un jour ou l’autre, Krim se mettra à sa tâche. C’est un bon garçon. Tu seras fier de ton fils !
Et Khemma lui répondait :
— Les lunes défilent et les pierres ne bougent pas !
Les jours et les nuits passaient.
Un beau matin, Aïcha dépitée et découragée se lamenta :
— Nous manquons de blé, d’orge, de mil… et le village est si loin, au moins à quatre jours de chamelle…
Krim ne voulant pas bouger de l’ombre du palmier ajouta d’une voix traînante :
— Je suis faible, père et mère adorés, si faible que mes jambes me portent difficilement…
— Ce serait une torture que d’infliger à ton fils unique le soleil et la longue piste jusqu’au village ! s’écria Aïcha.
Krim, rassuré, se tourna sur le côté et s’endormit aussitôt.
« In cha’ Allah, si c’est comme ça, c’est que Dieu le veut… Mais il nous faut à tout prix un jardin à cultiver », pensa le vieux Touareg. Sans mot dire, Khemma se leva, enserra sa tête d’un turban, prit son bâton, son fusil, son couteau, remplit son sac de galettes et de dattes, cracha dans le feu, serra les amulettes et les talismans et partit en quête d’un bout de terre. Laissant la chamelle au campement pour ne point la fatiguer, il se perdit dans les tassilis, s’enfonça dans les sables, affronta l’orage, combattit les éclairs, le tonnerre et la foudre. La traversée était redoutable, mais le vieux Touareg était courageux.
Et Khemma, souvent à bout de ses forces, marchait, marchait encore, sans rien dire, tandis que son fils dormait et dormait toujours… Assoiffé, il pressait son outre et buvait l’eau pure de son puits, qui le réconfortait tant. Lorsque la lune devenait rousse, il installait son bivouac au creux d’un rocher faisait un feu d’acacias, s’enroulait dans sa gandoura et s’endormait, abattu par la fatigue.
Une nuit, alors que le firmament s’éclairait comme en plein jour, il perçu dans son sommeil une petite voix :
— Khemma, Khemma…
Il crut d’abord à un rêve, mais la petite voix insista :
— Khemma, Khemma, réveille-toi…
Le Touareg se frotta les yeux, serra son couteau, scruta le ciel. Au milieu de cette étendue de sable et de roches, qui pouvait bien connaître son nom ? Juchée sur une dalle plate, à portée de son bras, une gazelle aux yeux d’or, aux cornes vertes, brillantes, traînant derrière elle une tendre clarté, le regardait. Khemma, surpris et déconcerté, ne put lui adresser la parole. Il remarqua que les écailles de la corne droite étaient incrustées d’émeraudes.
— J’ai soif, terriblement soif… dit-elle. Puis-je boire une seule goutte de ton eau fraîche ?
Khemma ne refusa pas et versa dans la paume de sa main l’eau pure de son puits. La gazelle ne but que la goutte promise.
— Qui es-tu ? osa lui demander Khemma.
— Je suis la djenniya aux yeux d’or.
— Comment as-tu pu me trouver dans ce lieu ?
— Je te suis depuis la nuit des temps.
— Tu parles ?
— Je parle et te protège. Toi seul peux m’entendre et me voir car tu es un être juste et bon. Et toi, vieil homme, pourquoi t’éreintes-tu dans ce désert, à suivre des pistes que seuls les charognards et les rapaces fréquentent ?
— Je cherche un coin abrité des tempêtes pour cultiver le blé, l’orge, le mil et nourrir ma famille.
La gazelle resta un instant silencieuse. Elle ne quittait pas Khemma du regard.
— Roule ta gandoura, prends ton bâton, ton fusil, ton sac et marche bien dans la lumière qui me suit.
Elle conduisit Khemma vers une terre craquelée, au pied d’une falaise inconnue.
— Ôte une écaille d’une de mes cornes, mais attention, choisis bien… Mets-toi dans la lumière qui me suit et plante l’écaille à tes pieds !
Khemma que l’or, les bijoux, les pierres précieuses n’intéressaient pas tant il voulait trouver un jardin, enleva délicatement une simple écaille de la corne gauche et l’enfonça dans le sable.
Un vent léger se leva. Les herbes se voilèrent… Khemma fut emporté dans un doux tourbillon et se réveilla dans un jardin de terre noire, bien grasse, pas très loin de son campement.
— Si cela te convient, je te l’offre, dit-elle.
Et, sans un bruit, elle s’effaça dans la nuit.
Quand Khemma raconta son aventure à sa femme et à son fils, il ne subit que moqueries et stupidités.
— Tu perds la tête… railla son fils.
— Les déesses n’existent que dans les légendes ! pouffa sa femme.
— Tu as observé une gazelle invisible et elle t’a parlé ? ricana à nouveau Krim.
— Mon pauvre mari, le soleil frappe trop ta tête…
Las des piaillements de son épouse et de son fils, Khemma repartit aussitôt vers son lopin de terre retrouver le calme et la sérénité. Alors, qu’un par un il enlevait les cailloux, il sentit dans son dos le souffle chaud de son amie, la djenniya aux yeux d’or.
— Que fais-tu là ? lui demanda-t-elle.
— Je trie les grosses pierres, pour bêcher de sillons bien droits, répondit Khemma.
La djenniya resta un moment silencieuse.
— Ôte une écaille d’une de mes cornes, mais attention, choisis bien… Mets-toi dans la lumière qui me suit et pose-la sur la première pierre que tu vois.
Khemma que seule la terre noire et grasse préoccupait, enleva une écaille de la corne gauche et la posa sur la première pierre, à ses pieds. Un vent léger se leva. Les herbes se voilèrent… Khemma fut emporté dans un doux tourbillon et se réveilla dans un jardin clôturé de hauts murs défiant tous les courants d’air du désert. Il n’y avait plus aucune pierre.
— Si cela te convient, je te l’offre, dit-elle.
Et, sans un bruit, elle s’effaça dans le soleil.
Le Touareg rentra si tôt au campement que sa femme en fut tout étonnée. Il ne lui donna aucune explication. Il se coucha à l’ombre du palmier, se reposa enfin face aux étoiles et pria en cachette.
Le lendemain, Khemma revint avec une pioche et commença à creuser.
— Que fais-tu là ? lui demanda la gazelle.
— Je cherche de l’eau pour arroser mes futures plantations et je trace des rigoles.
La djenniya resta un moment silencieuse.
— Ôte une écaille d’une de mes cornes, mais attention, choisis bien… Mets-toi dans la lumière qui me suit et trempe cette écaille dans l’eau claire de ta gourde.
Khemma que seule l’irrigation de son camp préoccupait, enleva de la corne gauche une écaille et la baigna. Un vent léger se leva. Les herbes se voilèrent…
Khemma fut emporté dans un doux tourbillon et se réveilla en écoutant le chant miraculeux de l’eau dans les rigoles.
— Si cela te convient, je te l’offre, dit-elle.
Et, sans un bruit, elle s’effaça dans l’éclat des roches.
Les jours suivants lorsque le vieux Touareg arrivait, la djenniya l’attendait et lui posait toujours la même question :
— Que fais-tu là ?
— Je vais labourer et ensuite planter.
Et elle l’aida à labourer, semer, arroser.
Quand arriva le temps des longues caravanes qui traversent l’horizon, Khemma moissonna le blé, l’orge, le mil, cueillit de merveilleux légumes et fit déguster à la gazelle aux yeux d’or ses premiers fruits. Khemma ne pouvait plus se passer de la djenniya. Ensemble ils conversaient et palabraient avec les astres. Mais, au campement, Aïcha et son fils ne croyaient pas toujours à la rencontre du vieux Touareg et se moquaient de lui.
— Il parle tout seul et très tard dans la nuit ! Heureusement qu’il besogne comme un damné, disaient-ils.
À la saison des promesses et des amours, couffins de légumes et sacs de céréales s’entassèrent au campement.
— Qu’allons-nous faire de tout ceci ? s’inquiéta Aïcha.
Le père appela son fils et lui demanda de se rendre au marché pour échanger sa production contre de nouveaux outils, des épices, des ballots de tissu, du tabac et ramener une seconde chèvre.
— Tu marcheras à côté de la chamelle, car elle est très chargée ! Surtout, ne la fatigue pas et ne la monte pas !
— Je suis si faible que mes jambes…
Il n’eut pas le temps d’achever sa phrase que Khemma entra dans une colère noire.
Effrayé, Krim qui n’avait jamais vu son père dans un tel état, prît aussitôt la direction du village. Krim allait devant et guidait la chamelle. Puis, peu à peu, il marcha à ses côtés, bénéficiant de l’ombre de la bosse, ensuite, la prenant par la queue, il se fit tirer par elle. Il franchit une première dune, péniblement une seconde. Il se traînait plus qu’il n’avançait, ne cessant pas de téter sa gourde et de geindre. Sur les crêtes qui le séparaient de la troisième dune, sa gorge était en feu, sa langue sèche. D’une traite il but toute sa réserve d’eau.
À l’heure où le soleil est au plus haut et que tout ce qui vit dans le désert se cache, Krim fit une halte. Il se rencogna à l’ombre d’une faille. « Si la chamelle me portait, qui le saurait ? se dit-il. Et si… » Il sauta de joie devant l’idée sublime qui le traversa. Il déchargea un sac de blé et l’enterra. « Je dirai au père que les marchands étaient avares et qu’ils ne m’ont presque rien donné en échange. » Il grimpa sur la selle. La chamelle avança d’un pas et s’arrêta. Krim, entêté et résolu de ne point marcher, enterra un second sac de mil. « Je dirai au père que les marchands étaient des voleurs de la pire espèce… »
Il grimpa sur la selle. La chamelle effectua deux pas et s’arrêta. Krim enterra un troisième et quatrième sac. « Je dirai au père qu’il faut pendre ces voleurs de marchands pour que les vautours leur arrachent les yeux ! » Il grimpa sur la selle. La chamelle parcourut quatre pas et s’arrêta encore. Décidé à se faire porter coûte que coûte jusqu’au marché, il éparpilla tout le chargement et cacha les sacs sous des pierres. La demoiselle, délivrée de tout son fardeau, aussi légère qu’une jeune antilope, n’attendit pas qu’il remontât sur son encolure. Elle flaira au loin les gargouillements d’une source, l’odeur des boissons sucrées et décampa aussitôt. Krim fut incapable de la rattraper.
Soudain, une violente tempête de sable se leva. Les dunes bougèrent comme de frêles vagues, effaçant toute trace et tout repère pour l’infortuné voyageur. Égaré dans le sable et sans monture, Krim parvint cependant à rebrousser chemin jusqu’au campement.
Khemma, voyant son fils revenir dépouillé, penaud, en pleurs, crut au premier d’abord qu’il avait été attaqué par une bande de pilleurs. Il le consola tant qu’il put, lui prodiguant des paroles rassurantes. Mais Krim lui avoua son forfait. Khemma fut alors pris d’une rage folle, brandit sa canne, la fit tournoyer en l’air et tapa, tapa, tapa sur le pauvre malheureux.
— Que fais-tu là ? interrogea la djenniya.
— Je punis mon fils qui m’a désobéi. Il a perdu toutes mes récoltes et ruiné mon labeur !
— Cela ne sert à rien ! Remplis plutôt son sac de provisions, donne-lui des réserves d’eau pour une semaine et envoie-le chercher la chamelle et les marchandises. Ce châtiment lui sera vraiment utile. Il comprendra ainsi sa négligence ! Souviens-toi que la colère est mère de toutes sottises !
Khemma, sur ces paroles, cessa immédiatement de battre Krim. Aïcha ne voulant laisser repartir son fils tout seul le rejoignit. Passé le campement, Krim commença à se plaindre :
— Je suis si faible, mère adorée, si faible que mes jambes…
Et Aïcha le déchargea des réserves d’eau.
Avant d’emprunter la grande piste, il renouvela ses gémissements :
— Je suis si faible, mère adorée…
Et Aïcha le déchargea du sac de provisions…
À la troisième dune, ils retrouvèrent les couffins de légumes et de fruits, rongés par la vermine et, plus loin, des sacs de blé et de mil vides, qui avaient dû régaler scorpions et fennecs. Quant aux autres denrées, elles étaient bel et bien éparpillées parmi les grains de sable.
Le découragement saisit Aïcha et son fils.
— Il faut à tout prix que nous trouvions la chamelle. Si nous la ramenons au campement, peut-être que la colère de ton père cessera et qu’il nous pardonnera…
— Mais où peut être cette maudite bête ? hurla Krim, complètement désespéré.
C’est alors qu’apparut devant eux la djenniya aux yeux d’or. Ils réalisèrent que Khemma n’était pas fou, que son histoire n’était pas un lointain mirage.
— J’ai terriblement soif… dit-elle. Puis-je boire une seule goutte de votre eau fraîche ?
Aïcha tordit l’outre en peau dans tous les sens, mais aucune goutte ne transpira.
— Vois-tu, marmonna Krim, nous n’avons même plus de larmes dans nos yeux pour pleurer !
— Nous connais-tu ? demanda la mère.
— Je vous suis depuis la nuit des temps et vous protège. En cet instant, vous pouvez me voir et m’entendre car je pense que vous êtes de braves nomades. Je sais ce que vous cherchez et je peux vous aider si vous le désirez.
Devant cette aubaine, ils ne se firent pas répéter deux fois la proposition de la gazelle aux yeux d’or. La djenniya resta un instant silencieuse, puis s’adressa à Krim :
— Ôte une écaille d’une de mes cornes, mais attention, choisis bien… Mets-toi dans la lumière qui me suit, jette-la ensuite en direction de la constellation du Lièvre et tu retrouveras la chamelle.
Mais Krim n’avait d’yeux que pour la corne de droite où brillaient les émeraudes. Sans hésiter, ni réfléchir, il arracha violemment l’écaille sortie de la plus grosse pierre précieuse.
La punition ne se fit pas attendre. Tous les vents du désert se dressèrent en un même ouragan qui balaya les deux malheureux au-dessus des hauts plateaux, les roula jusqu’au grand fleuve et les jeta dans l’océan.
Pendant ce temps-là, Khemma attendait le retour de sa femme et de son fils. Les jours défilaient et la tristesse s’emparait du vieux Touareg. Parfois, il grimpait au sommet de la falaise et passait des heures à observer les étendues infinies de sable. Mais aucune poussière ne pointait à l’horizon. Il s’adressa aux étoiles ; les astres ne lui répondirent pas. Il serra en vain les amulettes et les talismans ; il n’obtint aucune réponse. Alors il s’assit au centre de son jardin et attendit. Il regarda les oiseaux picorer les dernières graines de blé.
— Si j’ai tout perdu, ma famille et mes biens, c’est qu’Allah l’a voulu, se lamenta-t-il.
Il resta ainsi le temps de l’hiver. Puis, aux premiers jours de retour des longues caravanes vers le sud, il perçut une étrange lumière pénétrer son corps et sentit le souffle chaud de la djenniya aux yeux d’or.
— Ne sois pas triste, Khemma, lui chuchota-t-elle. À chaque respiration, à chaque instant, il faut recommencer, tout recommencer. Je suis là et je te protège. Je te donne cette écaille de ma corne droite. Elle porte une émeraude. Pose-la sur ta joue et prononce un vœu. Tu seras immédiatement exaucé.
Délicatement, Khemma posa l’émeraude sur son visage et ferma les yeux. Un vent léger et doux se leva. Les herbes se voilèrent… Il fut emporté dans un long rêve et son vœu fut exaucé.
Khemma se réveilla sur la natte de son campement, devant les braises rougeoyantes.
Aïcha avait préparé un merveilleux thé avec des gâteaux de fête.
Son fils Krim lui souriait, sans gémir ni se plaindre.
La chamelle et la chèvre broutaient paisiblement.
— Si cette vie te convient, je te l’offre, dit la djenniya aux yeux d’or.
Khemma acquiesça et, sans un bruit, la gazelle s’effaça dans la lune rousse.
Le vieux Touareg rayonnait de bonheur.
Sur les tassilis, un dernier orage gronda et le soleil apparut pour l’éternité.
Jean Siccardi
La gazelle aux yeux d’or
Paris, Albin Michel Jeunesse, 2002