C’est merveilleux !

 

 

 

   Lorsqu’Augustin, acrobate et jongler, jouait sur son petit violon, tous se pressaient pour écouter les superbes mélodies qui sortaient de son instrument.
   Qu’il fasse des roues ou bien des sauts périlleux, qu’il danse comme une balle, les gens n’en avaient jamais assez et lui demandaient de recommencer.
   Ils lui offraient des bonbons ou des fruits, lui lançaient des pièces de monnaie ou des fleurs.
   Ils auraient voulu qu’il puisse rester parmi eux pour toujours.
   Et pourtant, Augustin, chaque fois continuait son petit bonhomme de chemin.
   Il s’arrêtait, parfois, en cours de route pour écouter le chant des oiseaux.

 

 

   Jusqu’au jour où ses pas le conduisirent à un château. Augustin commença à jouer de son petit violon. Le Roi qui vivait dans ce château entendit la mélodie et elle lui plut. Il pria Augustin de venir à lui, car il avait grande envie de l’entendre de plus près.
   Augustin joua pour le Roi ses plus belles mélodies. Il dansa, sauta, montra ses acrobaties les plus audacieuses, et le Roi, ébahi, suivit toutes ses prouesses avec de plus en plus d’étonnement et de plaisir.

 

 

   À la fin, le Roi s’écria :
   « C’EST MERVEILLEUX » Et Augustin s’inclina.
   « C’EST MERVEILLEUX ! » reprirent, comme l’avait fait le Roi, tous les spectateurs en chœur.
   Mais personne ne lui donna quoi que ce soit. Et il s’en alla, tout triste.

 

 

   Non loin de là se trouvait un pommier chargé de pommes rouges et jaunes. Augustin avait très faim. Il attrapa une pomme et la mangea.
   « C’EST MERVEILLEUX ! » remercia Augustin comme il l’avait appris du Roi.
Puis il partit pour la ville voisine.

 

 

   Le boulanger le salua amicalement et lui proposa ses pains et ses pâtisseries. Augustin goûta les petits pains et les gâteaux jusqu’à ce qu’il en soit rassasié. Et au moment de payer, il s’écria, tout comme le Roi : « C’EST MERVEILLEUX ! »
   Le boulanger ne voulut pas s’en contenter, alors, Augustin ajouta :
   « C’est ainsi que paie le Roi ! »

 

   Quand le boulanger vit qu’Augustin n’avait pas d’argent, il se dit : « Je vais faire de même », et il s’en alla chez le meunier pour chercher de la farine. Plutôt que de payer, il s’écria : « C’EST MERVEILLEUX ! »
   Et il expliqua au meunier que le Roi payait ainsi.

 

   Le meunier courut aussitôt chez le cordonnier pour obtenir de nouvelles chaussures.
   Le cordonnier s’en alla à l’auberge car il avait faim. L’aubergiste avait besoin d’œufs et il courut chez…
   Et bientôt, on n’entendit plus dans la ville que : « C’EST MERVEILLEUX ! »
   Et c’est ainsi que bientôt, chacun prit ce qu’il voulait là où il le voulait.

 

 

   Tout ceci parvint aux oreilles du Roi, et il envoya ses serviteurs chercher Augustin et le lui ramener.

 

   Et c’est ainsi qu’Augustin se retrouva face au Roi. Celui-ci demanda à Augustin pourquoi il n’avait pas payé son pain au boulanger, ce qui avait pour conséquence que plus personne dans la ville ne payait qui que ce soit.

 

 

   « En récompense de mes acrobaties, Votre Majesté m’a payé des mots : « C’EST MERVEILLEUX » et je les ai donnés au boulanger pour payer ses pains et ses gâteaux », répondit Augustin.
   Le Roi fut accablé, car il se rendit compte qu’il était lui-même à l’origine de toute cette confusion.
   Il convenait maintenant de remettre de l’ordre dans tout cela.
   Il paya donc le pain au boulanger, la farine au meunier, les chaussures au cordonnier, et à chacun ce qui lui avait été pris.
   Ensuite, il invita tout le monde à une grande fête où il y eut des friandises pour tous à foison.

 

 

   Quant à Augustin…
   Là-haut, tout là-haut, au-dessus des spectateurs, il marchait sur une corde tendue tout en jouant du violon et en dansant.
   Tous s’amusèrent ainsi jusqu’à ce qu’ils tombent de fatigue.

 

   Quand la fête fut terminée, le Roi donna à Augustin son plus beau cheval en récompense.
   Et à partir de ce jour-là, tous dirent en parlant de lui :

 

   « AUGUSTIN, C’EST MERVEILLEUX ! »

 

 

Edda Reinl
C’est merveilleux !
Paris, Minedition, 2014