Je ne peux pas !

 

Il y a quelques décennies, la classe CM1 de Donna, maîtresse d’école dans un petit village, ressemblait à bien d’autres. Les élèves s’asseyaient par cinq rangées de six pupitres et le bureau de la maîtresse faisait face aux enfants.
Juste à côté, il y avait un pan de mur où étaient affichés les derniers travaux des élèves. On dirait une salle de classe d’école primaire pareille à beaucoup d’autres.
Cependant, il y régnait une ambiance hors du commun…

 

Un matin, tous les élèves étaient absorbés par une seule et même tâche : remplir une feuille avec des pensées et des idées. Une élève de dix ans remplissait sa page de plusieurs « Je ne peux pas » : « Je ne peux pas frapper la balle de foot jusqu’au fond du terrain », « Je ne peux pas faire de divisions avec plus de trois chiffres », « Je ne peux pas plaire à Debbie ». Sa page était à moitié vide, et on dirait que ça allait durer encore longtemps… Mais elle poursuivait son travail avec détermination et persévérance.
Et de même pour les autres.
Chacun écrivait des phrases en disant ce qu’il ou elle ne pouvait pas faire. « Je ne peux pas faire dix pompes », « Je ne peux pas frapper la balle au-delà de la clôture du champ », « Je ne peux pas manger juste un petit biscuit… « 

 

Et de même pour la maîtresse !
Donna, elle aussi était occupée à écrire : « Je ne peux pas faire en sorte que la mère de John D. assiste à une réunion de parents », « Je ne peux pas convaincre Alain à se servir des mots plutôt que de sa poignée ! »
Une demi-heure plus tard, les élèves ont posé la feuille et pris une autre.
Entretemps, Donna ramassa toutes les feuilles des « Je ne peux pas… » et les plaça dans une boîte de chaussures vide. Elle y ajouta la sienne.
Ensuite, elle mit le couvercle sur la boîte, la plaça sous le bras, se dirigea vers la porte et sortit dans le couloir.
Les élèves la suivirent en silence.
Donna alla dans le bureau du gardien, et en sortit avec une pelle.
La pelle à la main et la boîte sous le bras, toujours suivie par ses élèves, Donna se dirigea jusqu’au coin le plus éloigné du terrain de jeu. Et tous commencèrent à creuser… un trou. Ensuite, ils y ont déposé la boîte et l’ont recouverte de terre.

 

Trente et un élèves, filles et garçons de dix et onze ans, accompagnés de leur maîtresse, regardèrent alors la tombe où étaient ensevelis à jamais l’impuissance, l’absence d’estime de soi, le manque de confiance et d’espoir.
Ensuite, Donna prononça une petite oraison funèbre…
« Mes amis, nous sommes réunis ici afin de célébrer la mort du « Je ne peux pas » ! Pendant qu’il a vécu sur terre, il a touché la vie de presque nous tous… Malheureusement, son nom a été prononcé partout et souvent même dans chaque bâtiment public : écoles, hôpitaux, prisons… Nous lui avons préparé ce lieu de repos et une pierre tombale avec une épitaphe. Sont encore en vie ses frères « Je peux » et « Je veux », et sa sœur « Je le ferai immédiatement ». Ils ne sont pas aussi connus que ce célèbre défunt. Mais un jour, avec l’aide de nous tous, ils auront bien plus d’influence dans le monde ! »

 

L’enjeu était symbolique, une vraie métaphore de la vie… pour la vie !
Et l’expérience resterait gravée dans l’esprit de chacun pour toujours !

 

Rentrant à l’école, Donna prépara une pierre tombale en carton. Sur elle, la maîtresse a écrit « Je ne peux pas » et ajouta une date. La pierre tombale en carton resta accrochée au mur tout le reste de l’année. Si un élève oubliait et disait : « Je ne peux pas… », Donna lui indiquait tout simplement la pierre tombale.
Alors, chacun se rappelait que les « Je ne peux pas » étaient bel et bien enterrés et rectifiait la phrase.

 

Encore aujourd’hui, bien des années plus tard, lorsque j’entends les mots « Je ne peux pas », je me souviens que les « Je ne peux pas » sont morts il y a longtemps…
Car il y a longtemps, une maîtresse et ses élèves (dont moi-même) les ont ensevelis à tout jamais !

 

Chick Moorman