Les oiseaux de l’espoir

 

Je voudrais vous raconter l’histoire de mon amie Sadako Sasaky…
Elle commence par un beau matin ensoleillé d’août 1945.
Nous jouions au bord de la rivière et mangions des boulettes de riz avant de nous allonger  sur l’herbe.
Autour de nous, les grillons chantaient et nous avons même essayé d’en attraper certains. Mais Sadako était décidément trop maladroite avec ses petites mains.
Puis arriva cet énorme nuage noir.

 

 

Dans un déluge de chaleur et de feu, il détruisit tout autour de nous, tant et si bien qu’il ne subsista plus que des cendres grises.

 

On commençait presque à oublier le nuage, lorsque, dix ans plus tard, Sadako tomba malade.
Elle dut être hospitalisée. C’était la faute au nuage. Sadako le savait, et pourtant, elle n’avait pas peur.

 

 

Son frère lui raconta une vieille légende.
« Si tu plies 1000 grues en papier, ton souhait sera exaucé. »
Sadako ne souhaitait rien de plus que de recouvrer la santé, aussi, chaque jour, elle plia des grues de papier. Elle le réussissait chaque jour un peu mieux, mais cela lui coûtait aussi de plus en plus de forces et sa famille se fit beaucoup de souci.
Je dormis chez elle et essayai de réprimer mes peurs pour Sadako.

 

 

Sadako avait déjà plié 500 grues et elle les suspendit au-dessus de son lit.
Elles étaient magnifiques.
Tandis qu’elle pliait ses feuilles, je lui racontais des histoires. Des choses que Sadako, je le savais, aimait beaucoup.
« Ta maman va nous préparer un excellent thé vert !
Et puis, nous irons ensemble nous promener dans le parc pour admirer les cerisiers en fleurs au mois d’avril !
Nous avancerons péniblement sous la pluie et nous sauterons dans chaque flaque d’eau.
Et puis nous passerons sous l’antique porte immergée.
Et là, à califourchon sur le dos d’un gigantesque dragon nous rentrerons à la maison. »

 

 

Mais Sadako ne revint jamais à la maison.
Elle s’endormit en douceur et s’envola avec les 1000 grues de papier.
Je suis rentrée toute seule.
Je ne comprenais pas pourquoi Sadako était morte alors qu’elle avait tellement combattu.
Ensuite, j’ai fait tout ce que nous avions pensé faire ensemble et Sadako par la pensée resta toujours avec moi.

 

 

À la fin de mon voyage, je compris que le temps qu’on avait passé ensemble aurait toujours une place dans mon cœur, et maintenant, j’essaie de répandre dans le monde entier l’histoire de Sadako.
Je sais que Sadako vivra dans chacune des grues de papier plié.

 

 

♠♠   ♠♠ 
♠♠

 

Sadako Sasaki a réellement existé.
Elle est née le 7 janvier 1943 à Hiroshima où elle mourut en 1955.
Elle est la victime la plus célèbre des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.
Elle avait deux ans et demi lorsqu’elle survécut à l’explosion de « Little Boy », la bombe qui anéantit Hiroshima, au Japon, le 6 août 1945.
Sadako grandit en apparente bonne santé et c’est seulement dix ans plus tard qu’elle souffrit d’une leucémie, conséquence tardive de la bombe atomique et de ses rayonnements radioactifs.
Sadako avait entendu parler de cette légende des 1000 grues. Au Japon, les grues ont un sens particulier car elles sont symboles de longévité.
Elle commença donc à plier des oiseaux de papier, espérant ainsi recouvrer la santé.
Son vœu le plus cher ne sera pourtant jamais exaucé car elle mourra.
Les avis sur le nombre de grues que Sadako aura effectivement plié divergent.
Après la mort de Sadako, ses camarades de classe collectèrent des dons afin d’ériger le « Monument de la Paix des enfants », une statue de Sadako, une grue en papier dans la main.
Cette statue est située dans le parc de la Paix, à Hiroshima.
Aujourd’hui encore, de nombreux enfants plient des grues en papier, qu’ils envoient comme un symbole de paix à Hiroshima.

 

 

 

 

Judith Loske
Les oiseaux de l’espoir
Paris, Minedition, 2011