Le voleur qui ne mentait jamais

 
  
 
      Un jeune garçon était voleur, et cela chagrinait profondément sa grand-mère avec qui il vivait. Elle le suppliait d’arrêter de voler, mais le garçon ne voulait rien entendre.
      La vieille dame se rendit chez un homme de bon conseil. Elle lui demanda ce qu’elle pouvait faire pour remettre son petit-fils sur le droit chemin.
      ― Puisqu’il ne veut pas arrêter de voler, lui dit l’homme, demandez-lui de ne plus jamais mentir. Il suffit parfois de perdre une seule mauvaise habitude pour que les autres disparaissent aussi peu à peu.
      Ce soir-là, la vieille dame obtint du garçon la promesse de ne plus mentir. Le petit voleur accepta parce qu’il aimait tendrement sa grand-mère et voulait lui faire plaisir.
      Quelques jours plus tard, le petit voleur décida d’aller dérober la couronne du roi. Il se rendit au palais où deux gardes lui barrèrent l’entrée de leur lance.
      ― Qui es-tu ? Et où vas-tu ? lui demandèrent-ils.
      ― Je suis un voleur, répondit le garçon décidé à ne plus mentir, je viens voler la couronne du roi.
      Les gardes se mirent à rire, croyant à une bonne plaisanterie. Pensant le garçon un peu simple d’esprit et complètement inoffensif, ils le laissèrent passer.
      Le jeune garçon parcourut le palais à la recherche de la chambre royale. Alors qu’il avait entrouvert la porte d’une grande salle, il entendit une voix derrière lui :
      ― Que cherches-tu donc comme cela ?
      Un homme le regardait, intrigué. Le garçon lui répondit :
      ― Je cherche la couronne du roi.
      ― Ah bon, dit l’homme surpris, et que veux-tu en faire ?
      ― Eh bien, répondit le garçon, je suis voleur. Je veux la dérober pour pouvoir vendre les pierres précieuses dont elle est sertie.
      L’homme réfléchit un moment, puis lui demanda de le suivre. Il le fit entrer dans une chambre magnifique et là, sur un coussin brodé, le petit voleur vit la couronne du roi.
      ― Merci, dit le jeune garçon. En récompense de votre aide, je vous donne ce rubis.
      Et il dessertit la plus grosse pierre qui ornait la couronne. C’était un rubis magnifique de la taille d’un œuf, éclatant comme un soleil couchant.
      L’homme le remercia et lui demanda encore :
      ― Et où vas-tu maintenant ?
      ― Je retourne chez moi, dit le voleur. J’habite avec ma grand-mère la petite maison jaune sur la place du marché.
      Et l’enfant sortit après avoir glissé la couronne dans un sac.
      L’homme, qui n’était autre que le roi, posa le gros rubis sur le coussin brodé, et resta dans sa chambre à réfléchir.
      Le lendemain matin, le roi convoqua son Premier ministre dans la salle du trône.
      ― Mon cher et fidèle ministre, dit-il, on m’a signalé qu’hier soir un étranger s’est introduit dans le palais. Allez vérifier dans ma chambre qu’il ne manque rien.
      Le Premier ministre revint quelques instants plus tard, la mine désolée.
      ― Sire, on vous a volé votre magnifique couronne.
      ― Ah, répondit le roi, vous ne l’avez pas trouvée ?
      ― Hélas Sire, répliqua le Premier ministre, le coussin était vide. Il n’y en a plus aucune trace.
      ― Aucune trace ? demanda le roi.
      ― Non, répéta le Premier ministre, aucune.
      Le roi sut alors que le Premier ministre avait pris le splendide rubis, pensant que le voleur l’avait oublié et que personne n’en saurait jamais rien.
      Le roi fit chercher le jeune voleur. Devant toute la cour, il lui demanda de raconter comment il se trouvait en possession de sa couronne. Le garçon, intimidé, rassembla tout son courage et dit toute la vérité, comme il l’avait promis à sa grand-mère.
      ― Hier soir, je suis venu au palais pour dérober votre couronne. Un homme, que je ne connaissais pas, m’a indiqué où trouver la chambre royale. Pour le récompenser de m’avoir aidé j’ai desserti l’un des rubis, que je lui ai donné. Cet homme n’était autre que vous, Sire, je vous demande pardon d’avoir pris votre bien.
      Un murmure parcourut la foule des courtisans, horrifiés par l’audace du voleur qui osait avouer si simplement son crime.
      ― Ce voleur va être décapité, chuchotaient les uns…
      ― Non, non, pour un crime aussi effronté il sera sûrement fouetté à mort, disaient les autres.
      ― Silence, cria le roi. Ce jeune garçon sera dorénavant le Premier ministre.
      Devant les regards interloqués de la cour, le roi ajouta :
      ― Ce garçon n’a pas menti une seule fois. Il a toujours dit la vérité, alors que celui-ci, dit-il en désignant l’ancien Premier ministre, a trahi ma confiance. Il a essayé de me tromper en me disant que le voleur avait tout emporté.
      Il ordonna à ses gardes de fouiller l’homme et ceux-ci trouvèrent le magnifique rubis dans sa poche. L’ancien conseiller fut banni du royaume et le jeune garçon devint, à la plus grande joie de sa grand-mère, un excellent Premier ministre, connu dans tout le pays pour sa justice et son amour de la vérité.
 
 
Johanna Marin Coles ; Lydia Marin Ross
L’Alphabet de la Sagesse
Paris, Albin Michel Jeunesse, 1999