Dans la forêt profonde

Dans la forêt profonde_1

 

     Une nuit, j’ai été réveillé par un bruit épouvantable.
     Le lendemain matin, la maison était toute calme. Papa n’était pas là. J’ai demandé à Maman quand il rentrerait, mais elle n’avait pas l’air de savoir.
     Papa me manquait.
     Le jour qui suivit, Maman m’a demandé de porter un gâteau à Mamie, qui était souffrante.
     J’adore Mamie. Elle me raconte des histoires tellement géniales. Il y a deux façons d’aller chez Mamie : par la longue route qui contourne la forêt, et ça prend des siècles, ou en traversant la forêt.
     « Surtout, tu passes bien par la route, me dit Maman. Tu ne coupes pas par la forêt. »
     Mais ce jour-là, pour la première fois, je choisis le chemin le plus rapide. Je voulais être à la maison quand Papa rentrerait.
     Je rencontrai bientôt un petit garçon.
     « Veux-tu acheter une jolie vache qui donne du lolo ? » demanda-t-il.
     Je répondis : « Non. » (Que ferais-je d’une vache ?)
     « Je te l’échange contre le délicieux gâteau aux fruits confits qui est dans ton panier », insista-t-il.
     « Non, c’est pour ma grand-mère malade », lui dis-je en reprenant ma marche.
     Je l’entendis qui répétait : « Je suis malade, je suis malade… »
     Tandis que je m’enfonçais dans la forêt, je rencontrai une fillette aux cheveux d’or.
     « Quel adorable petit panier, dit-elle. Que contient-il ? »
     « Un gâteau pour ma grand-mère, elle est malade. »
     « Je voudrais bien un joli gâteau comme celui-là », dit-elle.
     Je poursuivis mon chemin et je l’entendis qui disait : « Mais c’est un si joli petit gâteau, moi, j’en voudrais bien un comme celui-là… »
     La forêt devenait de plus en plus froide ; j’aperçus deux autres enfants blottis près d’un feu.
     « As-tu rencontré notre Papa et notre Maman ? » demanda le garçon.
     « Non, vous les avez perdus ? »
     « Ils sont en train de couper du bois quelque part dans la forêt, mais j’aimerais bien qu’ils reviennent. »
     Je poursuivis mon chemin.
     Les sanglots de la petite fille étaient vraiment déchirants, mais je ne pouvais rien faire.
     Je commençais à avoir très froid et je regrettais d’être parti sans manteau.
     Tout à coup, j’en vis un. Il était beau et chaud, mais à peine l’avais-je enfilé que la peur me gagna. Je sentis que j’étais suivi. Je me souvins de l’histoire du méchant loup que Mamie me racontait souvent. Je me mis à courir sans réfléchir, je courus sans savoir où j’allais, m’enfonçant de plus en plus profondément dans la forêt. J’étais perdu. Où se trouvait la maison de Mamie ?

 

     Je l’aperçus enfin !
     Je frappai à la porte et une voix demanda : « Qui est là ? » Mais je ne reconnus pas la voix de ma mamie.
     « C’est moi, je t’apporte un gâteau de la part de Maman. »
     Je poussai doucement la porte.
     « Approche, mon chéri », poursuivit la voix bizarre.
     J’étais terrorisé. J’entrai lentement dans la maison. Et là, dans le lit de Mamie, il y avait… Mamie !
     « Viens ici, mon amour, dit-elle en reniflant. Comment vas-tu ? »
     « Bien, répondis-je. Je vais bien maintenant. »
     Puis j’entendis du bruit derrière moi et je me retournai… PAPA !
     Je leur racontai ce qui m’était arrivé. Nous avons tous bu une boisson chaude et mangé deux parts du délicieux gâteau de Maman. Puis on a dit au revoir à Mamie qui se sentait déjà beaucoup mieux. Nous sommes arrivés devant notre maison et j’ai poussé la porte.
     « Qui est là ? » a demandé une voix.
     Nous avons répondu : « Rien que nous deux. »
     Et Maman est apparue, elle souriait.

 

Anthony Browne
Dans la forêt profonde
Paris, Kaléidoscope, 2004